Encore une histoire que l’on rumine au sortir de la salle. La couleur rouge comme fil conducteur. Ce rouge vif que l’on voit partout, qui dès le départ augure de la suite. Une foule imaginaire se meut dans de la sauce tomate gluante, le rouge des lumières de la ville jaillit à chaque instant sur l’écran, une peinture rouge écarlate éclate sur les murs de la maison d’Eva. Même au supermarché Eva se cache derrière des boites de soupe à la tomate pour ne pas croiser certains regards. Mais qu’a-t-il donc bien pu se passer dans la vie de cette femme, que l’on devine fragile et qui déambule dans les rues comme un zombie, pour qu’elle se fasse insulter, gifler, molester par ses voisins?
Des flashs de vie s’immiscent : un mari compréhensif, un petit garçon déjà cynique qui grandit en devenant un adolescent cruel, puis une petite fille adorable, des ambulances, des sirènes, un lycée, des parents en pleurs… L’horreur qui va se dérouler sous nos yeux apparait par bribes et le puzzle se construit petit à petit à travers le prisme d’une mère encore abasourdie.
Dès la naissance de Kevin, Eva et son fils semblent vivre dans un climat d’incompréhension totale. Kevin que l’on suit de sa plus tendre enfance à son adolescence apparaît très vite comme un sociopathe dont le seul objectif consiste à pourrir la vie de de sa mère. Et en la matière le gosse semble avoir plus d’une corde à son arc; image, vous me l’accorderez, plutôt bien choisie puisque c’est aux moyens de ses réels talents d’archer cette fois qu’il finira par décimer quelques lycéens …et plus si affinités.
Que cherche t-il donc? Pourquoi tant de haine? A l’instar d’Eva, ces questions se sont posées à moi tout au long du film. Mais y-a-t-il seulement quelque chose à comprendre? On pourrait tourner des heures autour du rôle de la mère ayant échoué dans son éducation, du manque d’amour ressenti par l’enfant, de son furieux manque de reconnaissance aussi, tant au sein même de sa propre famille qu’aux yeux de la terre entière. Certes le « zéro limite » dont font preuve les parents aurait pu être remplacé par quelques punissions bien senties, d’autant que dans le cas de Kevin plus d’un perdrait franchement patience. Mais ce manque d’autorité ne nous permet pas de comprendre ce qui peut bien se passer dans la tête du gars. Et là arrive le fameux débat autour de l’inné et de l’acquis. Nait-on mauvais ou le devient-on? Si l’on part du postulat que la majeure partie de nos manières d’agir et de penser relève d’un apprentissage social qui s’effectue tout au long de la vie alors effectivement notre supposé sociopathe est définitivement à classer du côté des méchants de naissance, ce d’autant plus que sa sœur astreinte à la même éducation est résolument adorable.
Bref, We need to talk about Kevin est à voir pour l’exceptionnelle performance de Tilda Swinton (eh oui Filou elle méritait peut-être bien la palme cette année à Cannes), pour le face à face hallucinant aussi entre la mère et le fils (rôle que campent trois acteurs différents). Pour le reste, cette visite à travers les arcanes de l’angoisse maternelle et la manière d’y répondre finissent par tomber à plat tant on a du mal à y croire.
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