Je viens de me remettre à lire du Sagan. Un peu parce que je m’enthousiasme toujours à l’avance quand il s’agit de Sagan, un peu aussi quand même parce qu’il était grand temps de poursuivre le challenge proposé par Delphine et George.
Un profil perdu c’est l’histoire de Josée une femme mal mariée à un bel américain extrêmement jaloux qu’elle n’arrive plus à supporter. Un soir le couple se rend à un dîner chic dans lequel la jeune femme fait une rencontre pour le moins déterminante. Petit, pâle, chauve à lunettes Julius A. Cram est un financier milliardaire respecté de tous qui va la prendre sous son aile et l’aider à changer de vie. Mais à quel prix? La belle apprendra à ses dépens que rien n’est jamais vraiment gratuit.
Sous couvert de lui permettre de s’affranchir en lui offrant un studio et un travail passionnant – tout en lui laissant croire qu’il n’attend rien en échange – ce petit bonhomme perfide va insidieusement vouloir contrôler sa vie. Julius A. Cram, un ami qui vous veut du bien, pourrait être le surnom de celui qui finira par lui lâcher, lors de vacances qu’encore une fois il organise en sauveur, qu’il souhaite ardemment l’épouser. Comble de la mauvaise foi, il enchaînera en lui faisant comprendre qu’il n’attend aucune réponse de sa part.
Pourtant Josée s’ennuie dans sa nouvelle vie, s’ennuie de ses vacances « dans ce Nassau caricatural, peuplé d’américains hystériques. Ma solitude perpétuelle sur la plage, même si elle m’accablait par moments, m’engourdissait un peu, atténuait l’écho des cris d’Alan (son ex-mari) et j’attendais sans trop d’impatience que mon corps se retrouve à l’unisson du paysage ou que nous rentrions à Paris« . Bien sûr nous le ressentons nous lecteur le malaise de cette femme prisonnière de sa cage dorée à qui il manque une chose essentielle : le véritable amour. A la fois, on ne peut s’empêcher de lui en vouloir un peu à cette Josée ayant eu la bêtise de se laisser téléguider par un homme que l’on sentait intéressé dès le début. Mais d’un autre côté, avait-elle vraiment le choix, elle qui comme beaucoup d’autres femmes à l’époque vivait au crochet de son mari? N’était-ce pas courageux de préférer quitter le foyer conjugal en renonçant à tous biens matériels quitte à devoir accepter dans un premier temps l’aide d’un généreux protecteur?
Bien qu’ayant eu un peu de mal les premières pages, j’avoue avoir très vite éprouvé un réel plaisir au fil de ma lecture, comme envoutée par « le charme étrange de ces courts romans en apparence sans mystère dans lesquels Sagan a la maîtrise de son petit monde »¹. Josée, cette femme en quête de liberté parle à toutes les générations de femmes qui veulent contrôler leur destin, celles qui ont fait le choix extrêmement complexe de tout abandonner pour reconstruire une vie plus sereine et plus épanouie. Au final Un profil perdu est une belle ode à la vie doublé d’un joli roman d’amour (oui oui, je ne vous ai pas tout dévoilé, ce ne serait pas chic!) . Un petit bémol toutefois, une fin légèrement grotesque (sûrement voulu par l’auteur) qui pourrait gâcher à certain un réel plaisir de lecture.
¹ Citation de Bernard Frank, plutôt parlante ici
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