Des grands moments de cinéma, j’en ai sûrement connu beaucoup. Mais ceux qui me collent réellement à la peau, ceux qui résonnent en moi comme un écho proviennent de l’Italie. Un pays marqué par les blessures indélébiles du fascisme, frappé également par la violence politique des années 70 et son cortège de noms tristement célèbres (Brigades Rouges, Aldo Moro, Piazza Fontana), secoué enfin par dix-sept ans de règne berlusconien. Arme intellectuelle redoutable, œuvre de mémoire imparable, le cinéma a tenté d’exorciser les démons d’un pays en proie à une violence politique dénoncée par Pier-Paolo Pasolini, Giuliano Montaldo ou encore Nanni Moretti pour ne citer qu’eux.
Trois cinéastes qui m’ont procurées mes plus fortes émotions cinématographiques. Giuliano Montaldo avec Sacco et Vanzetti. L’histoire de ces deux anarchistes italiens accusés à New-York du meurtre de commis au cours d’un hold-up qui malgré leur innocence avérée seront condamnés à mort et exécutés, victimes de leur statut d’immigrants soupçonnés de bolchevisme. Je crois que je n’oublierai jamais la bonté de ces hommes, libre-penseur derrière les barreaux, déterminés à clamer leur innocence jusqu’au bout, courageux et dignes face à la mort. Le cinéma Pasolinien m’a lui aussi secouée bien des fois. Théorème et sa critique cruelle de la bourgeoisie oisive. Le sulfureux Decameron (d’après Boccace) dont l’objet consiste à rappeler que le corps est en premier animé par un furieux appétit vital : le sexe. Mais la perle parmi les perles du cinéma Pasolinien demeure sans doute l’écoeurant Salò ou les 120 journées de Sodome. Âmes sensibles s’abstenir car même si l’auteur a clairement voulu y dénoncer le vrai visage du fascisme – qui rappelons-le est un terme directement importé d’Italie désignant le mouvement politique fondé par le Duce lui-même – la démonstration n’en est pas moins horrible et cruelle. Je n’en parlerai pas davantage ayant déjà fait un article sur le sujet que vous pouvez lire ici. Enfin j’avoue avoir savouré l’humour corrosif de Moretti, son gauchisme explosif, ses prises de positions radicales contre il Cavaliere auxquels vient souvent se mêler la tendresse qu’il porte sur les petits plaisirs simples de la vie.
Voilà le cinéma qui me fait vibrer, me dérange, me hante, me fascine et me dégoûte aussi parfois. Celui dont on ne ressort pas indemne. Et si je dois aller plus loin, en dévoiler un peu plus, ce sont encore des grands noms du cinéma italien qui me viennent à l’esprit. Luchino Visconti et son chef d’oeuvre asphyxiant et crépusculaire qu’est Mort à Venise (lire aussi : Le Mirage de Thomas Mann), Federico Fellini et l’univers fantasmé de son cinéaste dépressif dans Huit et demi, Marco Ferreri filmant la décomposition des chairs qui se remplissent et se vident jusqu’à ce que mort s’en suive dans son orgie suicidaire La Grande Bouffe.
Alors si le cinéma italien vit depuis plusieurs années une crise idéologique et culturelle accentuée par les coupes sombres affectant le financement public de la culture dans l’Italie berlusconienne, la relève avec des Nanni Moretti, Roberto Benigni (pas évoqué ici mais dont le film La Vie est Belle m’a littéralement bouleversée me faisant passer du rire aux larmes) et autre Emanuele Crialese semble toutefois assurée.
Ceci est ma participation pour janvier au défi n°15 d’un joli AQUArium initié par Mona Fontina et consacré ce mois-ci au cinéma.
Je vous propose ici des extraits de certains de ces films et m’excuse pour les versions françaises n’ayant pas trouvé de versions originales sous-titrées.
Sacco et Vanzetti de Giuliano Montaldo
Mort à Venise de Luchino Visconti
La Vie est Belle de Roberto Benigni
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