Je sors de ce film noir un peu réservée. Un homme au corps parfait entièrement nu se lève de bon matin. Il passe de la chambre à la cuisine, va pisser porte grande ouverte (normal il est chez lui et il n’y a personne), se branle sous sa douche. Le téléphone sonne, une femme le harcèle sur son répondeur. Il est agacé, ne décroche pas, s’habille, se rend à son travail. Visiblement il occupe un poste de cadre dans une grande entreprise. Univers glacial, personne ne déconne. Lui même a l’air de s’ennuyer à mourir. Son ordinateur vient d’être réquisitionné. Il semble avoir été parasité (très vite on comprendra que l’origine du bug provient du chargement de sites pornographiques). Puis Brandon (c’est son prénom) se rend aux toilettes. Plusieurs fois par jour il y assouvie ses pulsions sexuelles. De retour à la maison, il allume son ordinateur portable et se connecte sur des tchats de filles à poil qu’il regarde s’effeuiller devant lui. Le lendemain il recommence. La vie de ce sex-addict semble rythmée par sa libido exacerbée qui le trahit et fait de lui un peu plus chaque jour un homme qui se méprise, le regard perdu, submergé par la tristesse et la honte, embringué dans une mécanique implacable qui le conduit à trouver en permanence de nouvelles proies (lorsque ce n’est pas sa main, ce sont des putes ou bien des femmes qu’il drague dans les bars et les couloirs du métro). La caméra de McQueen scrute cet homme dans ses moindres gestes les plus intimes, ne le lâche pas d’une semelle. Et cette manière de filmer m’a un peu ennuyée par moment. Un plan-séquence interminable de Brandon entrain de faire du footing en pleine nuit au cœur de New-York, une scène de jouissance en temps réel, la sœur du héros chantant New-York New-York en intégralité dans un cabaret, le tout paraît parfois s’étirer en longueur en prenant un malin plaisir à mettre le doigt sur la vacuité de deux existences. Oui, parce Brandon a une sœur donc. La voix du répondeur. Un brin de femme scarifiée, puérile qui vient s’installer chez lui sans y être invitée et devient alors un œil inquisiteur toujours à deux doigts de la moquerie. Pour autant, rien à lui envier à elle non plus. Elle est aussi paumée que lui. Dans la même misère affective.
Leur histoire? On la devine sordide mais le spectateur n’en apprendra pas beaucoup plus. Il va juste se trouver embarqué dans une véritable descente aux enfers. Que dénonce le cinéaste ici? La société de consommation et ses dérives comprenant notamment le commerce du sexe et son accès rendu aisé via le web? Ou encore le fait que la société capitaliste et la solitude qu’elle engendre parfois sont à l’origine d’une forme de misère, si ce n’est économique dans ce cas précis, en tout cas sexuelle?
Brandon pourrait être Patrick Bateman le Golden Boy d’American Psycho (la cruauté en moins) ou encore le Harry du Démon de Hubert Selby Jr. En tout état de cause un individu déjà rencontré au détour de certains romans avec plus ou moins de relief et d’intérêt. Intérêt qui, en ce qui me concerne, a été un brin limité sur ce coup là. Et vous qu’en avez-vous pensé? Je serais curieuse de recueillir quelques avis sur le sujet.
Crédit photo : DR
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