Toxique est un petit journal tenu par Sagan en 1957. Après un accident de voiture très grave, l’auteur se retrouve accro, vraiment accro au palfium (succédané de la morphine). Partie quelques semaines en désintoxication, elle doit faire face à sa souffrance, sa solitude – Il y a longtemps que je n’avais pas vécu avec moi-même dit-elle – et la peur de la mort qui la ronge.
Enfermée entre 4 murs, dépendante comme le serait une enfant, elle parle de sa lutte pour échapper aux opiacés, de l’effroyable sensation de manque, avec des mots justes, des phrases lapidaires, sans fioriture. Elle égrène alors les jours de la semaine comme le ferait un prisonnier. Car prisonnière elle l’est. Tout d’abord de ce corps de douleur qui réclame sa dose chimique, ensuite de ce temps du désespoir qui n’en finit pas, enfin de cette chambre de misère « où toutes ses attitudes sont de fuite ».
« Mardi : il paraît que ça va devenir de plus en plus difficile. Je le crois volontiers, j’étouffe depuis ce matin. Il faut, paraît-il s’accrocher. L’esprit monte et descend entre deux crises, sans cesse. Décrocher le téléphone, garder cet air courageux, expliquer posément que décidément, ce n’est pas supportable comme ça. Ils feront quelque chose, quelque chose qui retardera le moment où je partirai. Tout ce que je fais pour moi est contre moi. C’est assez. Épouvantable. »
Comme pour tromper son ennui, fuir sa cage de verre, elle lit Apollinaire, Chateaubriand, un livre « idiot » sur Baudelaire, et Proust mais pas Faulkner, « Faulkner ne m’a jamais vraiment touchée, je n’aime pas l’invention en littérature ».
Puis arrive le moment de sortir, l’heure fatidique du départ. « Voilà, fini ce petit journal de la désintoxication. Elle aura été bénigne et ce journal salutaire. Je me dis au revoir ». Quelle phrase étrange! Se dire au revoir. Comme si elle se quittait un instant pour mieux se retrouver par la suite…toujours au même point, de nouveau intoxiquée. Car Françoise Sagan se sait fragile et capable de retomber dans un état de dépendance. Et de terminer par ces mots chocs « C’est que je me suis habituée peu à peu à l’idée de la mort comme à une idée plate, une solution comme une autre si cette maladie ne s’arrange pas ».
Écrit avec sincérité et sans emphase, Toxique est un journal intime (presque trop intime) à découvrir sans aucun doute. Seul bémol, les illustrations de Bernard Buffet. Noires (comme l’esprit de l’auteur), nerveuses, simples, elle m’ont laissées parfaitement insensibles.
Cet article a été écrit dans le cadre du Challenge Sagan proposé par George.
Toxique a également fait l’objet d’une analyse chez :
> Cynthia
> Incoldblog
> Clara
> Mango
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