J’ai eu l’incroyable chance de rencontrer il y a quelques jours Jean-François Clervoy – astronaute et PDG de Novespace – dans le cadre d’une conférence-débat orientée vers l’importance du travail en équipe et la réussite collective en milieu professionnel. Et pour le coup il s’agit là d’un milieu professionnel particulier car sans la compétence de chacun, le savoir-faire individuel, la confiance réciproque, la communication intelligente et l’écoute attentive de chaque instruction comment relève t-on le défi humain de l’exploration spatiale? La vie de chacun est en jeu et résulte de la réussite du travail des autres. Peut-être là plus qu’ailleurs la notion d’équipe prend alors tout son sens.
Fascinée par tout ce qui touche au ciel, à l’espace, aux étoiles et planètes tout autant que terrorisée par l’idée d’immensité engendrée par ces concepts, par le caractère abstrait de l’infini inhérent à l’univers, par l’incompréhension aussi de la technologie qui permet à l’homme de pouvoir « voler », je ne pourrais ici décrire l’état d’excitation généré par cette rencontre. Un voyage en terre inconnue. Un rendez-vous avec un homme qui a vu la terre de bien haut et qui en parle avec humilité. Une admiration sans borne pour ces hommes qui au péril de leur vie affrontent l’immensité galactique (je n’oublierai jamais les images de l’accident astronautique de la navette spatiale Challenger en 1986 quelques secondes après son décollage et j’avoue être terrorisée à l’idée qu’un homme puisse dériver dans l’espace bien que le cas ne se soit semble t-il jamais produit).
Il existe à ce jour 520 astronautes dans le monde dont 9 en France. Parmi eux, Jean-François Clervoy a voyagé trois fois dans l’espace. En 1994 pour étudier l’atmosphère, en 1997 pour ravitailler la station MIR et en 1999 pour réparer le télescope spatial Hubble. Lorsqu’on lui pose la question de ce que l’on ressent quand on voit la terre d’en haut, l’astronaute répond Si tous les terriens volaient dans l’espace, ils verraient combien la planète surpasse en beauté tout ce que l’Homme a dessiné, peint, construit ou inventé. Durant nos voyages, on fait le tour de la terre en une heure et demi, et dans ce même tour, on passe du côté jour au côté nuit, on voit le ciel noir, les ouragans puis les couleurs turquoises de la Polynésie française…c’est magnifique! Et l’on veut bien le croire. D’ailleurs il étaye ses propos en s’appuyant sur des images de toute beauté mettant en relief la concentration humaine sur les territoires marquée par la présence ou non de lumières. Là où l’Italie – illuminée uniformément du début à la fin de la botte – condense une forte densité de population sur tout le territoire, l’Égypte concentre sa population uniquement sur les bords du Nil.
Ce qui est fascinant également c’est le travail autour de la peur qu’il faut réaliser pour se rendre dans l’espace. Les astronautes n’ont semble t-il pas peur mourir pendant leur mission. Ils n’y pensent pas et sont formés pour maîtriser cette peur. La peur c’est être face à l’inconnu, ne pas savoir. La maîtriser c’est savoir où l’on va et pourquoi. Ils n’ont pas le droit à l’erreur et ont un objectif commun : réussir leur mission. Ils passent d’ailleurs par d’intenses préparations dont le leitmotiv est : Prepare for the worst and hope for the best où d’horribles scénarios catastrophes leur sont soumis du type « Quoi faire maintenant? », « Quoi faire ensuite? », « Quelle est la prochaine panne encore pire à gérer? ». Dans le simulateur ils pensent « réel » et dans le réel ils pensent « simulateur ».
Quant aux conditions de vie dans l’espace, elles sont rudimentaires mais Jean-François Clervoy avoue aisément s’en accommoder. Manger lyophilisé, faire du sport, se laver, dormir et aller dans de drôles de toilettes en apesanteur ne semblent pas gêner plus que ça les astronautes qui ne se privent absolument pas de passer d’agréables mais courts moments de détente conviviaux et de partager leurs cultures. Pour la communication commune il faut savoir que pour être astronaute parler l’anglais et le russe est indispensable.
Et Jean-François Clervoy de conclure : L’homme est capable de prouesses insoupçonnées. C’est dans la performance que l’on s’aperçoit que l’on est capable de choses au-delà de ce que l’on peut imaginer à l’avance. Il faut essayer, s’engager, y aller et le faire.
Belle leçon de vie et de courage en tout cas!
Je remercie Jean-François Clervoy d’avoir accepté que je retranscrive cette conférence donnée à titre privée et de m’avoir fournies les photos pour illustrer mes propos.
En savoir plus :
> Propos de JF Kennedy le 12 sept 1962 à Houston : Nous décidons d’aller vers la Lune dans cette décennie et de lancer ces projets, non parce qu’ils sont faciles, mais parce qu’ils sont difficiles, parce que cet objectif permettra d’organiser et de mesurer le meilleur de nos énergies et de notre savoir faire, parce que ce défi est celui que nous acceptons, celui que nous ne voulons pas retarder, celui que nous avons l’intention de gagner, et les autres aussi…
> Au total plus de 520 humains totalisent plus de 1000 vols au cours de plus de 280 missions spatiales habitées.
> 1000 interrupteurs dans le cockpit
> La navette spatiale passe de 0 à 28 000 km/heure en seulement 8 minutes et demi (=25 fois la vitesse du son). En 8 minutes et demi on est donc dans l’espace.
> Les températures varient entre -150 à + de 150 degrés Celsius dans l’espace.
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