…moitié légume, moitié mec. J’aime beaucoup Lucien Ginsburg. Quelle révélation! Le paradoxe sans doute. L’écorché vif ultra sensible, grand amoureux des femmes mais pas de la vie flirtant avec la mort, les psychotropes en tout genre, l’alcool et la provocation pour mieux camoufler sa timidité maladive, son mal à l’être, son mal à l’âme. J’avoue trouver quand même Gainsbourg plus talentueux que Gainsbarre trop aviné, excessif et autodestructeur. Trop par hasard et pas rasé. La provocation à son paroxysme, celle qui ne sert plus à rien si ce n’est à déclencher de la colère, du dégoût, de la pitié ou de l’empathie en fonction des individus, de leur morale parfois rigide ainsi que de leur capacité à accepter l’autre dans sa souffrance et sa manière de l’exprimer.
Son histoire appartient à tout le monde mais personne ne la comprend vraiment. Ses chansons ont un accent de mélancolie et la dureté d’un constat dira Marcel Aymé. Elles résonnent en chacun de nous comme autant de mélodies plutôt plus que moins bien abouties faisant écho parfois mais que l’on oublie pas. Il faut dire que Gainsbourg, outre son amour premier pour le jazz, s’est servi des plus grands classiques dans ses compositions. De la Symphonie n°9 du nouveau monde de Dvorak (Initials BB), aux préludes et études de Chopin (Lemon Incest et Jane B.) en passant par Brahms (Baby alone in Babylone), Beethoven (Ma Lou Marilou) et bien d’autres encore, il s’est copieusement inspiré de compositeurs déjà bien ancrés dans l’inconscient collectif pour y extraire certains de ses airs les plus connus. Cet iconoclaste n’a pas manqué non plus de choquer – dans une France où le métissage était encore mal vu – en intégrant à sa musique quelques rythmes endiablés venus d’ailleurs (percussions nigérianes, tam-tams, tambours cubains et autres chœurs africains).
Pour ce qui est des textes parfois sulfureux déclamés souvent comme de la poésie, même si certains paraissent assez simples d’accès les subtilités et sous-entendus ne manquent pas. Et là encore de s’inspirer des plus grands. De Baudelaire à Allais en passant par Verlaine, Lautréamont et Edgar Allan Poe, toute la crème des poètes maudits semble hanter l’artiste.
Son album à nul autre pareil, enfin disons plutôt celui qui a fait particulièrement écho chez moi mais plus tard, reste L’homme à tête de chou. De la poésie crue, érotique, audacieuse. L’histoire d’amour d’un homme pour une shampouineuse prénommée Marilou qui le domine de sa tour de contrôle et le malmène en s’envoyant en l’air de liane en liane. Une histoire de désespoir, de douleur latente, de descente aux enfers, de meurtre à l’extincteur et de folie transformant l’homme en légume crucifère.
Je vous mets ici en écoute « Variations sur Marilou ». Un exercice incroyable. Une mise en poésie et en musique de l’onanisme féminin. Traversées par mille courants tabagiques, alcooliques, picturaux, littéraires, poétiques, érotiques, ces Variations (dira Jean-François Brieu) rappellent la perte de contrôle spatio-temporelle qui précède la clôture de 2001 l’Odyssée de l’espace de Kubrick. Un album à vraiment découvrir si ce n’est déjà fait.
Crédits photo :
Serge Gainsbourg par William Klein pour la pochette de « Love On The Beat ».
Statue de l’homme à tête de chou – Claude Lalanne
Laisser un commentaire