Hier soir direction Théâtre de l’Atelier pour une représentation exceptionnelle du pas de danse démoniaque du Vicomte de Valmont et de la Marquise de Merteuil. Librement adaptées du roman de Choderlos de Laclos ces liaisons, transposées à notre époque par un Malkovich au sommet de sa forme, ont le goût de la provocation, de la cruauté, du libertinage révélant des rapports entre hommes et femmes qui au fond, aux yeux du metteur en scène, n’ont pas beaucoup évolué avec le temps. De l’ère épistolaire, nous sommes juste passés à l’ère numérique, celui où l’on s’envoie à tout va des SMS et autres mails facilitant l’écriture… mais les mots d’amour sont toujours là. Ces mots parfois si délicats, si doux, si intimes, faciles à proférer. Ces mots source de joie, d’ivresse, véritable piège à sentiments dans lesquelles peuvent tomber les âmes les plus nobles. Car les liaisons sont toujours dangereuses pour qui se laisse séduire par ceux que le XVIIIème siècle appelait les libertins et que nous appelons aujourd’hui manipulateurs.
Difficile au départ d’oublier que ce fut John Malkovich lui-même qui incarna un Valmont remarquable de cynisme dans le film de Stephen Frears, rôle qui lui colla à la peau des années durant. Difficile également d’oublier le teint diaphane et la démarche féline de la somptueuse Michelle Pfeiffer campant une Madame de Tourvel d’une fragilité émouvante balayée par la passion des sentiments les plus nobles nourris pour le Vicomte. Difficile enfin d’oublier la machiavélique Glenn Close et la fameuse scène finale où le masque tombe, où derrière le maquillage ne reste que la tristesse, la honte, la maladie, la déchéance.
Et pourtant, l’adaptation de Hampton conjuguée à la mise en scène épurée de Malkovich auquel vient s’ajouter le jeu brillant des acteurs rendent le tout d’une modernité audacieuse. Valmont, en jeans – baskets et redingote, Merteuil en legging noir – talons aiguilles et crinoline, ainsi que tous les autres personnages couplant tenus d’époque avec tee-shirt « destroy » et autres pull en laine tricoté par mamie, assis en rond sur des chaises autour de la scène s’y immiscent à tour de rôle avec talent offrant au spectateur un jeu macabre de séduction, de désir, de tromperie dans lequel se perdent les vrais sentiments jusqu’au regret, la déréliction, l’agonie et enfin la mort.
Mais de l’audace il y en a à revendre chez Malkovich qui n’hésite pas non plus à introduire des scènes grivoises ne détonnant pas dans le contexte mais plutôt étonnantes à voir au théâtre. On peut ainsi saluer la prestation de Lola Naymark dans le rôle de la légère Emilie – offrant son corps ou plutôt son cul à Valmont – qui assume longuement sa nudité et les positions que le vicieux Vicomte lui fait adopter. On notera d’ailleurs que Valmont ne fait quant à lui jamais tomber le pantalon. Un Valmont campé par un Yannik Landrein aux multiples facettes. Complexe. Tendre et cruel à la fois. Pervers, énergique, diabolique, toujours dans le ton. Passionnant.
Même si j’avoue avoir trouvé certaines scènes inégales, laissant du coup parfois poindre un soupçon d’ennui, ces liaisons dans leur ensemble m’ont plutôt séduite et je ne saurai que trop conseiller aux amateurs du roman épistolaire d’aller les appréhender dans la peau de John Malkovich.
Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin (18è) – M° Anvers
Du mardi au samedi à 20h, en matinées samedi et dimanche à 16h.
Durée: Environ 3h (+10 minutes d’entracte).
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