Jiro Horikoshi est un jeune ingénieur, doux, rêveur et opiniâtre, passionné par l’aviation. Embauché par Mitsubishi Heavy Industries pour concevoir des avions de chasse, Jiro construira le chasseur Zéro et deviendra – malgré lui, impuissant face au tumulte de l’histoire selon Miyasaki – une figure emblématique du massacre de Pearl Harbor. Abandonnant son bestiaire fantastique, le maître de l’animation japonaise ancre ici son action dans le monde réel à la veille de la seconde guerre mondiale. Exit noiraude et chat-bus, robot jardinier et sorcière acariâtre, princesse-louve et prince-dragon, esprit de la terre et dieu de la forêt même si l’on retrouve dans le trait de l’artiste cette manière toute particulière d’appréhender la nature : un soupçon de magie, un zeste de poésie, une dose de révolte quand elle devient dévastatrice. Et la machine. L’équation Homme-Machine-Nature. L’homme construit la machine pour faire évoluer le monde ou…détruire son espèce. La nature reprend ses droits et peut lorsque le vent se lève, rendre furieuses les mers, incendier les terres, ravager le progrès humain. Qui de l’homme, de la machine, de la nature arrivera à bout de tout?
Le vent se lève…il faut tenter de vivre dira Paul Valéry dans son Cimetière marin. Miyasaki fera de cet adage le fil rouge de son récit s’inspirant surtout du roman de Tatsuo Hori dont le préambule décline ce vers de Valéry. Tatsuo Hori y évoque la mort d’une fiancée tuberculeuse. Tout comme Nahoko Satomi que Jiro rencontrera adolescent dans un train le jour du grand tremblement de terre de 1923 à Tokyo et dont il tombera éperdument amoureux. La force du film tient aussi à cette relation sacrificielle d’une fiancée vite malade qui préférera consacrer ses souffles de vie valétudinaires à aider son amour plutôt qu’à se soigner et qui tirera sa révérence avant déclin pour ne laisser d’elle que de beaux souvenirs.
Si certains alimentent la polémique et reproche à Miyazaky de suivre le destin d’un homme qui participa à l’essor d’un des régimes les plus destructeurs qui aient existé, le Vent se lève rend surtout hommage en toute fin il me semble, aux hommes et aux femmes sacrifiés sur l’autel de la toute puissance impériale. En outre si jamais l’ingénieur ne s’interroge il est vrai sur l’utilisation qui va être faîte de son invention, Miyazaki n’en fait pas un héros mais juste un homme honnête, créatif, sans aucun doute un peu naïf qui a voulu réaliser son rêve sans savoir que les politiques allaient s’en emparer pour en faire une arme meurtrière.
Pourtant Le Vent se lève n’est à mon sens pas le meilleur Miyazaki. Tout simplement parce que je préfère les elfes de la forêt, les esprits de la nature, les princesses Mononoké et autre sorcière Yubaba. Ceci est juste une affaire de goût car Miyazaki signe quand même ici avec cette oeuvre-testament un long métrage d’animation d’une qualité remarquable faisant de lui un génie incontestable du genre.
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