Il n’y a rien de noble à être pauvre. Réglez vos problèmes en devenant riche et si possible en écrasant les autres, c’est encore mieux. Lorsque vous rentrez chez vous fatigué en métro, que vos couilles puent la sueur, que tout ce qui vous attend c’est une femme moche à la maison. N’avez-vous pas envie de changer de vie? De partager la mienne? Le pognon pour moi est un jeu de monopoly. Je peux vous l’envoyer dans la gueule à tout moment ainsi que deux homards, vous qui ne bouffez que de la merde à longueur de temps dans votre 90 m². Vous savourerez enfin les plaisirs terrestres. Trois heures de la vie de Jordan Belfort et tu as juste la Nausée. Non pas les Mains sales, juste la Nausée* face à ce Mur d’égoïsme, de suffisance, de malhonnêteté, de vulgarité et malheureusement d’intelligence – perverse – prêt à se taper des Putains respectueuses tout en sniffant des rails de coke sur leur cul en l’air dénudé.
Tout ici est calqué sur la vie de débauche d’un courtier surnommé « Le loup de Wall Street » dont la seule ambition consiste à se faire un maximum de pognon sur le dos d’abord des pauvres (jamais étouffé par les scrupules) puis des riches tel un Robin des bois des temps modernes (comme le surnomma le magazine Forbes en ses heures de gloire sauf que Belfort vole les riches pour se donner… à lui-même). Bienvenue dans un certain monde de la finance où spéculations malhonnêtes, placements basés sur des dérivés d’emprunts à risque, gains sans production certes mais surtout avec malversations sont de mises.
Trois heures donc de la vie du cynique Golden boy pour qui femme sublimissime et enfants ne sont que des pions sur un échiquier. Pour qui employés – dépassant rarement la trentaine, tous absolument subjugués par leur gourou vendant aux boursicoteurs amateurs de sensations fortes des « penny stocks » (actions ultra-spéculatives à 1 ou 2 dollars) – ne sont là que pour défendre ses intérêts. Pour qui agents du FBI – trop cons à servir leur nation et payer des impôts – ne sont que personnes à soudoyer. Pour qui putes de luxe à 10 000 dollars la nuit ne sont que support pour ses multiples décharges sexuelles et toxicomaniaques. Car c’est bien connu, tout s’achète!
Grandeur et décadence de Belfort pendant 3 heures, c’est pas un peu long non? Surtout que rien dans Le Loup de Wall Street ne dénonce les dérives du milieu de la finance, ses répercussions désastreuses sur l’économie mondiale, les investisseurs crédules qu’il met à la rue, les hommes et femmes qu’il exploite au nom du profit et c’est sans doute normal puisque l’époque n’en prenait pas suffisamment la mesure. Alors quoi? J’entends déjà certains qui diront que lors de la sortie des Affranchis ou de Casino personne ne s’est offusqué de la complaisance de la caméra de Scorsese vis-à-vis de la Mafia. Oui certes mais à l’heure où quelques puissants comme Goldman Sachs prennent toutes les décisions au risque de flirter avec l’illégalité, jouent avec le monde comme on joue à la balle dans une cour de récré, où quelques courtiers peu scrupuleux surfent sur la vague des subprimes, ça me gonfle avec le recul d’avoir maté pendant 3 heures (oui je sais je me répète) la vie d’un mec tel que Belfort. Et en plus de m’en être parfois amusée. Car Scorsese filme extrêmement bien un di Caprio étonnant (ce type est un génie sans conteste). Il semble parfait dans toutes les situations. Des plus ridicules (bave aux lèvres, cheveux hirsutes, regard débile, paralysie temporaire après prise de Mandrax, rien ne l’arrête) au plus cyniques (discours de vendeur émérite, moqueries diverses et variées ciblant sa femme ou ses collaborateurs, il excelle).
Mais peut-être que rien que d’avoir mis en image cette vie dans tout le grotesque, le vulgaire et les excès qu’elle suppose consiste déjà si ce n’est à dénoncer au moins à faire prendre conscience du jusqu’au-boutisme d’un certain manque de conscience. Chacun le vivra selon son éthique. En tout cas, moi, je reste un peu perplexe.
* Petit clin d’œil à ce grand monsieur qu’était Pierre Desproges qui en parlant du journal Minute avait un jour déclaré : « Vous lisez Minute ? Non ? Vous avez tort, c’est intéressant. Au lieu de vous emmerder à lire tout Sartre, vous achetez un exemplaire de Minute, pour moins de dix balles, vous avez à la fois La Nausée et Les Mains sales ».
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