Superbe découverte que cette bande dessinée de Antonio Altarriba. L’art de voler comme un rêve. Celui du père de l’auteur qui durant toute son existence a poursuivi cette chimère de liberté absolue sans jamais l’atteindre et a fini par en mourir. Ce livre est né d’un fait réel : le suicide d’un homme qui a plus de 90 ans et une vie bien remplie s’élance du quatrième étage de sa maison de retraite pour voler, enfin libre comme les oiseaux dans le ciel. Mais l’art de voler est aussi une métaphore. Celle qui consiste à vouloir s’élever au plus haut pour rejoindre ses idéaux.
Dernier fils d’une famille rurale, le père d’Antonio Altarriba nait en Aragon au début du XXème siècle. Soucieux de quitter son village pour les lumières de la ville, il rallie l’armée puis la cause républicaine avec une devise « ni dieu, ni patrie, ni maître ». Guerre civile, dictature de Franco, exode vers la France, seconde guerre mondiale, puis retour en Espagne, c’est toute une vie qui se déroule devant nos yeux avec son lot d’évènements historiques sordides qui ont ravagés l’Europe au XXème siècle. Au passage les exilés espagnols réfugiés en France furent traités comme des moins que rien, parqués comme des bêtes dans des espaces clos entourés de barbelés. « La presse venait nous photographier…Nous posions exhibant notre misère sans pudeur…Nous voulions que le monde sache comment les démocraties bourgeoises accueillaient les combattants antifascistes… ».
Bouleversant du début à la fin L’art de voler se présente en 4 chapitres, comme si le père de l’auteur revoyait sa vie défiler devant ses yeux avant de s’écraser sur le sol :
> 3ème étage : 1910-1931
> 2ème étage : 1931-1949
> 1er étage : 1949-1985
> Sol : 1985-2001
Au delà des grands faits historiques qui ont jalonnée la vie de cet homme, sa propre histoire personnelle (sa femme, son fils, sa famille, ses amis) y est décrite avec précision jusqu’au dernier châpitre exhibant les 15 dernières années de son existence marquées par la dépression et la vieillesse handicapante. On ne peut s’empêcher alors de ressentir quelque chose de terrible et de douloureux.
Superbement mis en image par Kim, cette bande-dessinée entre pour moi dans la catégorie des « inoubliables », « immanquables » dont Maus d’Art Spiegelman et Gen d’Hiroshima font partie.
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