Je sors du film relativement mitigée ou devrais-je dire déboussolée. Est-ce génial ou mauvais? Almodovar vire t-il « fou » à vouloir adapter au cinéma un roman aussi déjanté que celui de Thierry Jonquet? Étrange univers qui pose de façon plutôt décalé la question de l’identité. Le plus étonnant dans l’histoire c’est la manière qu’a le cinéaste de filmer une situation démente comme si de rien n’était, le plus sereinement du monde.
Au départ Robert Ledgard, chirurgien esthétique reconnu par ses pairs, vient de trouver le moyen de fabrication d’une peau parfaite et résistante qu’il cherche à faire breveté. Immédiatement, bien que le personnage séduisant en diable soit présenté comme calme et maîtrisé, on devine sans trop savoir pourquoi qu’il renferme un dangereux psychopathe. Les indices sont a priori un peu maigres mais la séquestration d’une femme superbe habillée d’un vêtement couleur peau nous met quand même un peu sur la voie. Qui est donc cette beauté qui semble parfaitement apprécier sa condition de femme soumise, cobaye, parquée dans une chambre où sa seule activité consiste à faire le ménage et quelques séances de yoga? Qui est donc cette femme qui accepte d’être surveillée 24 heures sur 24 par l’œil inquisiteur d’une domestique austère dont on apprendra assez vite le rôle essentiel dans la vie du chirurgien? Almodovar laisse d’abord planer le doute en distillant ça et là quelques infos puis les choses basculent et tout devient limpide, démoniaque et complètement effrayant.
Alors pourquoi mitigée? Parce que si tout d’abord j’ai eu un mal fou à accrocher et à savoir où Almodovar voulait nous mener (sentiment d’ailleurs renforcé selon moi par l’introduction de scènes grotesques qui n’apportent rien au film notamment celle du retour du fils de la gouvernante déguisé en tigre qui se met à violenter sa mère et à violer notre cobaye), la deuxième partie m’a scotchée autant par la mise en scène taillée au scalpel d’une histoire angoissante pour ne pas dire oppressante que par le jeu impeccable des acteurs. Antonio Banderas retrouve ici pour la deuxième fois avec Almodovar un rôle de kidnappeur beaucoup moins drôle que dans Atame! mais tout aussi obsessionnel. Son leitmotiv : vouloir redonner « corps » à sa femme qui s’est donnée la mort après avoir été grièvement brulée dans un accident de voiture. Son détonateur : le viol de sa fille. Sa proie : le supposé violeur. En clair même si on nage dans le sordide (vengeance, viols, suicides et meurtres), même si on se demande comment il est possible de sortir indemne d’un choc traumatique aussi violent qu’un changement radical d’identité non souhaité, nous spectateur (peut-être parce que l’on est en quête de sensations fortes, de situations peu communes et de beauté visuelle; peut-être aussi parce que l’on aime bien Almodovar) on en redemanderait presque.
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> La piel que habito synopsis et acteurs
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