La Peur, celle qui s’instille en nos veines comme un poison lent, celle qui envahit, étreint, paralyse, obsède au point de ne plus concevoir comme seule issue que la mort. Cette Peur imaginée par Stefan Zweig, qui avait déjà brillamment inspiré Rossellini et Bergman en leur temps, dévoile son nouveau visage sous les traits de Elodie Menant au Théâtre Michel en ce moment. La peur donc, vécue in vivo par Irène en proie à la culpabilité d’avoir trompé un mari délaissant, avocat de métier, plus stimulé par ses dossiers juridiques que concerné par les états d’âme de sa femme et dont l’unique crainte consiste à jeter un innocent en prison plus qu’à laisser un coupable en liberté. Ainsi coupable! sa femme adultère traquée sans relâche par la supposée compagne de l’amant (Elsa) menaçant de tout révéler au mari si cette dernière ne s’astreint pas régulièrement à répondre à tous ses caprices. Et voilà Irène prise au piège, enfermée dans une prison dorée construite de toute pièce par… son propre mari. Un bourreau dont l’objectif consiste à obtenir les aveux spontanés de sa femme en n’éprouvant aucun scrupule à lentement la conduire vers la folie, lui traçant même le chemin la regardant s’empêtrer dans ses mensonges.
Cruel et gênant, provoquant bien souvent le malaise, ce chef d’oeuvre de Zweig s’offre à nos yeux dans une mise en scène contemporaine remarquable où les décors mobiles servent intelligemment le propos tandis que les contours des pièces se meuvent pour créer d’autres scènes qui parfois se jouent en parallèle. L’allégorie de la peur magistralement interprétée par une actrice qui au salut final arrivera encore fébrile, s’incarne également dans l’apparition régulière du personnage d’Elsa en embrasure de portes et autres bords de fenêtres comme symbole de la torture mentale d’Irène.
Immergé dans l’intimité des personnages, emporté dans un tourbillon émotionnel grandissant, le spectateur ressent monter l’angoisse jusqu’au dénouement inattendu. Et de conclure avec Zweig La peur est pire que la punition, car cette dernière est précise, importante ou minime. Elle est toujours préférable à la tension horrible et diffuse de l’incertitude. En tout cas bien loin d’être une punition, foncez voir cette adaptation au Théâtre Michel.
En savoir plus…
Théâtre Michel
La Peur de Stefan Zweig adaptée par Elodie Menant
Du 7 octobre au 31 décembre 2016 (jeudi au dimanche à 19h)
Laisser un commentaire