Présenté en avant-première à Cannes en 1997, Funny Games va provoquer un véritable scandale. Censé dénoncer la violence surmédiatisée et banalisée à tort dans notre société, le film de Michael Haneke paraît en faire plutôt l’apologie. J’ai longtemps hésité à l’époque à me rendre dans une salle obscure pour le voir. La peur prenait le pas sur la curiosité et j’ai fini par laisser tomber totalement convaincue d’avoir fait le bon choix. Que pourrait m’apporter ce film? Quelle utilité à se laisser envahir pendant près de deux heures par un malaise grandissant, spectateur d’une violence insoutenable?
Puis l’occasion de le voir s’est à nouveau présentée il y a peu et j’y ai succombée, pas plus assurée d’avoir eu raison. Funny Games c’est l’histoire d’un couple et de son fils qui se rendent dans leur résidence de vacances pour y passer un moment paisible. Très rapidement, l’intrusion de deux jeunes gens va conduire cette famille modèle dans une spirale de chaos, de douleur et de souffrance. D’une courtoisie frisant au départ l’obséquiosité et d’une élégance incontestable, les deux individus vont également s’avérer d’une perversité à couper le souffle. Ils décident d’instaurer un jeu dont les règles seront édictées par chacun d’entre eux avec une sérénité déroutante. Le jeu aura pour dénouement la disparition totale en douze heures de la famille.
Tout comme les victimes, le spectateur ne comprend pas. Qu’est-ce qui pousse ces jeunes à être aussi cruels? L’un des bourreaux essaye de souffler quelques explications en se lançant dans un laïus sur la soi-disant condition sociale de son comparse victime d’une jeunesse effroyable, puis revient ironiquement sur l’affaire en proclamant tout ceci erroné. Pas d’explication possible. Les deux individus semblent froids, mécaniques, dénués d’empathie, de sentiments, de compassion, inhumains en quelque sorte. Ils ne pratiquent pas de violence, ils personnifient la violence. Elle n’est pas en eux, elle est eux. Les spectateurs que nous sommes sont alors placés dans une situation intenable : celle du témoin passif de plusieurs meurtres. Pour accentuer cette situation, Haneke a pris le partie de nous solliciter via les intrus : « Et vous vous pariez que dans 12 heures cette famille n’existera plus? Vous pensez qu’ils ont une chance? ». C’est juste odieux!
Le tour de force du film est de montrer une mise à mort sans quasiment aucune effusion de sang. Tout est suggéré. Funny Games se révèle au fur et à mesure de son déroulement bien plus insoutenable que le moindre film gore parce que tout se déroule sans justification aucune et sans qu’aucun espoir ne soit permis.
Haneke a fait son film en réaction à la marchandisation de la violence opérée par Hollywood, le moins que l’on puisse dire est que la démonstration est aussi réussie qu’implacable. Mais aujourd’hui je ne suis pas sûre que le jeu en vaille la chandelle.
Et vous avez-vous vu ce film? Qu’en avez-vous pensé?
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