… elle était la femme qui pleure au chapeau rouge. Toi Dora tu es comme l’art, tu es la fille de la douleur et de la tristesse. Tu n’es pas laide, tu es la femme qui pleure, j’aime ta souffrance et je la peins. Happée par le génie du mal, Dora Markovitch fut pendant près de 9 ans la maîtresse de celui qui se plaisait à rappeler que signer Picasso un dessin griffonné à même la table d’un restaurant revenait à acheter le restaurant. Formes torturées, figures géométriques anguleuses, traits durs, secs, froids, cassants… les tableaux de Picasso ne m’ont jamais inspirée. Même Guernica vu grandeur nature au Prado à Madrid – peut-être un peu trop jeune je suppose – ne génère aucune émotion et ne reflète pas à mon sens l’horreur d’un massacre odieux de civils anti-franquistes décimés sous les bombardements nazis.
Engagé politique, touché par les atrocités d’une guerre civile sanglante, l’artiste pour le moins pervers, s’employait en coulisse à détruire ses intimes. Dora Maar reste sans doute en la matière son plus grand chef d’œuvre. Immortalisée mais surtout déconstruite et chosifiée par Picasso, elle s’en oublia au point d’abandonner son art (la photographie), son énergie, sa joie de vivre, son identité et petit à petit de sombrer dans la folie victime d’une spirale infernale d’humiliations répétées. « Après Picasso, plus personne ne m’a jamais intéressée à part dieu » dira t-elle. Une vie de douleur que je viens de découvrir en regardant La Femme qui pleure au chapeau rouge de Jean-Daniel Verhaeghe avec Amira Casar dans le rôle de Dora Maar et Thierry Fremont celui de Picasso (décidément l’acteur semble exceller dans les rôles de psychopathe ou de pervers). Personnalité hors norme, femme phare du surréalisme (courant machiste qui d’ailleurs plaçait les femmes au centre de son œuvre tout en les écrasant), elle était pourtant bien plus que la marionnette-modèle de Picasso. Elle était photographe de talent et inspiratrice éclairée de l’œuvre du peintre jusqu’à y laisser son âme.
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