Je lis un peu partout que Le Démon de Hubert Selby Jr est un chef d’œuvre. Qu’à côté de lui American Psycho n’est juste qu’une pâle copie, insignifiante et sans intérêt. Quelque chose m’échappe. Je ne dois pas avoir la même lecture que ceux dont j’ai vu les analyses et critiques. Là où American Psycho m’a captivée (lire mon avis ici ), Le Démon m’a profondément ennuyée. Peut-être même d’ailleurs parce que justement il faisait suite à ma lecture du roman de Bret Easton Ellis. Bon certes il semble évident que American Psycho s’inspire du roman de Selby écrit 15 ans auparavant. Mais là où l’histoire de Patrick Bateman emporte le lecteur, celle de Harry White n’intéresse pas, l’auteur mettant trop de distance dans l’écriture d’un récit long et prévisible.
« Ses amis l’appelaient Harry. Mais Harry n’enculait pas n’importe qui. Uniquement des femmes…des femmes mariées. Avec elles, on avait moins d’emmerdements… Il trouvait que coucher avec une femme mariée était beaucoup plus jouissif ». Pourtant l’intrigue démarrait fort. Le début paraissait prometteur. Tout au moins j’avais envie d’en savoir un peu plus sur ce personnage dénué de sens moral, un brin laxiste, totalement dévergondé. Jusqu’où irait Harry, ce grand séducteur auquel les femmes ne peuvent résister, qui multiplie les conquêtes grâce à de savantes stratégies dont lui seul à le secret? Qu’allait-il nous apprendre sur son monde déviant?
Et puis, plus rien. Plus envie de poursuivre ma lecture. Juste l’ennui. Après une première partie longue, tellement longue que l’on en voit plus le bout, où l’on sent vaguement la tension qui monte chez notre anti-héros tentant vainement de contrôler la fièvre sexuelle qui l’habite, la deuxième partie dévoile enfin un personnage de plus en plus en proie à sa folie addictive jusqu’à l’apothéose finale. Un homme qui connaît une ascension sociale inversement proportionnelle à sa santé psychologique mais que l’on arrive pas du tout à suivre dans sa
détresse morale. Vous allez me dire qu’il est également difficile d’expliquer le comportement d’un sadique comme Bateman. Certes, mais justement l’intérêt du livre repose aussi sur le fait qu’avec American Psycho, impossible de s’identifier à ce fou-furieux inhumain. Non le génie tient à autre chose : l’écriture des dialogues, la description des scènes, l’assassinat du rêve américain, la capacité qu’a l’auteur à ne pas tomber dans les travers d’un tueur en série stéréotypé. Alors que chez Selby l’identification n’est à la base pas improbable du tout puisque Harry est un cadre dynamique à qui tout réussit, qui est choyé par ses proches, a une vie sociale assez riche et plus tard une femme et des enfants. Or pourtant il va se laisser entraîner dans une déchéance irréversible telle que le lecteur n’ a pas envie de lui pardonner. Peut-être est-ce cela? Peut-être est-ce le manque de rythme du roman. Toujours est-il que ce livre là, je ne le conseillerais pas.
En savoir plus :
> Le Démon de Hubert Selby Jr est un roman publié en 1976
Requiem for a dream de Darren Aronofsky en est l’adaptation cinématographique
> American Psycho de Bret Easton Ellis est un roman publié en 1991
Il fut adapté au cinéma par Mary Harron
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