Une salle intime où quelques privilégiés attendent, un escabeau au milieu de la scène entouré d’un halo lumineux à peine perceptible, une entité informe que l’on devine humaine sous une couverture pourpre jetée au dessus de l’escabeau. Le calme se fait, une lumière s’attarde sur l’étrange forme qui se meut maintenant et dévoile un homme en tenu de bagnard, visage déformé par la souffrance. « Cher Bosie… » le ton est donné il s’agit d’une lettre adressée à l’être aimé. Cet être par qui le malheur arriva, l’homme qui conduisit Oscar Wilde à sa perte.
« Des Profondeurs » de sa prison l’écrivain déchu hurle sa douleur, pleure sa gloire disparue, transpire sa honte, contemple son humiliation. De l’homme respectable, célèbre auteur adulé par la société londonienne pour son esprit, il devient numéro. C33, « un numéro entre un millier de numéros ». Alors pour échapper à sa souffrance, vaincre la folie qui le guette et combattre l’isolement, Wilde choisira la plume. Et c’est de sa prison qu’il adressera à son amant méprisant une longue lettre, comme un effroyable cri d’amour, un formidable message de tolérance qu’il lance dans le silence pour rappeler son humanité à celui qu’il appelle Bosie mais aussi au monde entier.
Bosie ou plutôt Lord Alfred Douglas, ce jeune homme désinvolte, égoïste et lâche dont Wilde eut le malheur de tomber éperdument amoureux. Un étudiant qui lui fit mener une vie de débauche et qui, pour assouvir la haine qu’il alimente à l’encontre de son père (membre de la chambre des Lord), le poussera à assigner ce dernier en justice pour diffamation et harcèlement. Mais la justice anglaise ne badinant pas à cette époque avec l’homosexualité, l’attaque reviendra à Wilde en boomerang et le malheureux sera condamné à deux ans de travaux forcés.
De confessions intimes, où l’auteur parle tantôt à l’être aimé tantôt à sa propre naïveté, en réquisitoire contre une société moralisante qui condamne sans essayer de comprendre, qui aime un jour pour mieux détruire le lendemain, le texte beau et fort offre au spectateur un terrible bilan de vie. Ajouter à cela la sobriété de la mise en scène (un simple escabeau, une couverture rouge, de la poussière de craie), la diction impeccable de Jean- Claude Audrain sous les traits d’Oscar Wilde doublée des émotions presque palpables que transmet ce formidable acteur et De Profundis devient incontestablement une pièce à ne pas manquer.
Le Lucernaire
53 rue Notre-Dame des champs,
75006 Paris.
Standard : 01 42 22 26 50
Du mardi au samedi à 20h
Les dimanches à 17h
Du 21 mars au 15 avril 2012
Auteur : Oscar Wilde
Adaptation : Grégoire Couette-Jourdain
Mise en scène : Grégoire Couette-Jourdain
Avec : Jean- Paul Audrain
Durée : 1h10
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