Je viens de découvrir l’univers de Yasunari Kawabata avec « La danseuse d’Izu ». Que de plaisir à la lecture de ce court recueil composé de 5 nouvelles. Un retour au Japon vraiment bienvenu avec son lot de poésie, de raffinement mais aussi de cruauté et de mort.
La première nouvelle éponyme décrit le voyage d’un lycéen parti tout seul en voyage dans la presqu’île d’Izu (si cher à Kawabata). Très vite, le jeune-homme rencontre un groupe d’artistes avec qui il décide de voyager jusqu’à Shimoda. Enchanté par cette joyeuse compagnie, il poursuit alors son périple troublé par la présence d’une jeune danseuse pour laquelle il éprouve une vive attirance. Rien ne se passera entre eux et le lycéen poursuivra sa route en solitaire. Kawabata décrit juste avec finesse des sentiments humains forts et profonds. La douleur ressentit par l’absence de l’autre (un peu comme une mort) et paradoxalement un sentiment de plénitude, d’harmonie intérieur généré par le seul fait d’aimer et de se savoir aimé.
Shimoda – Crédit photo : www.cafe-photo.net
Je n’ai pas apprécié toutes les nouvelles de la même manière et avoue même avoir trouvé la suivante « Elégie » un peu longue et pénible, alors que la troisième « Bestiaire » m’a particulièrement plue. Elle raconte l’histoire d’un homme quelque peu misanthrope qui élève des oiseaux. Il les regarde, vivre, s’aimer, se déchirer et mourir, ce dans une parfaite indifférence. Là encore s’entremêlent les thèmes de la solitude et de la mort auquel vient s’ajouter la cruauté de cet homme que l’on dirait dépourvu de tout sentiment. Certains passages de la nouvelle sont d’ailleurs particulièrement angoissants. En fait tout chez cet homme est terrifiant, il brûle les pattes des oiseaux, les regarder agoniser, se noyer, se faire bouffer par des rats… L’ambiance est noire mais la narration impeccable. Franchement ce récit à lui seul mérite le détour.
Enfin, la dernière nouvelle « La lune dans l’eau » est un chef d’œuvre absolu. On y trouve en 11 petites pages, toute la finesse de Kawabata. Le sujet : un homme, une femme. Entre eux : la mort, un miroir. L’homme alité et condamné n’a qu’un miroir pour contempler le reflet du monde : le reflet de sa femme, son propre reflet, celui des choses qui l’entourent. Ce miroir l’aide à vivre.
Quelques phrases de la nouvelle m’ont particulièrement touchée : « On ne connaît que le reflet de son visage; ces traits qui vous sont personnels, uniques, vous demeurent invisibles. Quelle signification donner au fait que le Créateur ait façonné les hommes tels qu’ils ne puissent contempler leur propre visage? En le voyant deviendrait-on fou? Tout à fait incapable d’action? Le visage, ce qu’il y a de plus personnel chez les humains, semblerait n’être destiné qu’à la vue des autres. En serait-ce de même de l’amour?«
Voilà c’est cela la danseuse d’Izu. 5 nouvelles contemplatives et poétiques qui soulignent avec subtilité l’impermanence du bonheur et le côté éphémère de la vie.
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