Stefan Zweig, Richard Strauss. L’un juif autrichien, l’autre allemand. Une admiration réciproque qui les conduira à réaliser ensemble un opéra en trois actes La Femme silencieuse. Mais un librettiste juif en 1933, en pleine arrivée au pouvoir du NSDAP, se retrouve condamné à voir son nom rayé des affiches, ses œuvres publiquement brûlées et son identité bafouée.
Très tôt Zweig aura la conscience du terrible danger que représente Hitler pour les juifs, l’Autriche et toute l’Europe alors que Strauss adulé du dictateur, proche du pouvoir nazi, nommé d’ailleurs Président de la Chambre de Musique du Reich, ne sentira pas la menace et essayera de jouer de sa position pour imposer le nom de Zweig. Peine perdue, le pouvoir le rappellera à l’ordre par intimidation. Gare à qui possède une bru et des petits-enfants juifs. Or telle est la « faiblesse » de Strauss sur l’œuvre duquel flotte pourtant largement l’ombre du venin hitlérien!
Collaboration – qui se joue actuellement au Théâtre de la Madeleine – a été écrite par Ronald Harwood célèbre pour avoir scénarisé le film Le pianiste de Polanski. Si la pièce souffre très légèrement de quelques lenteurs au tout début (lors de la rencontre entre les deux auteurs) elle ne fait que monter en puissance en termes d’émotions ressenties autant que de jeu des acteurs, très bien servi d’ailleurs par la virtuosité de Michel Aumont et de Didier Sandre. Là où la collaboration artistique se transforme en collaboration tragique avec le régime nazi, l’amitié n’en est pas moins forte. La censure fait rage, les autodafés vont bon train, la culture en prend un coup dans l’aile. Ne reste que le choix de s’incliner, se renier : Strauss en devenant « collabo » un peu malgré lui mais sans trop y réfléchir quand même, Zweig en prenant la fuite au Brésil allant jusqu’à se donner la mort moralement détruit par la guerre qui fait rage en Europe.
Collaboration est un vrai bijou qu’il serait dommage de manquer.
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