« La vie t’apprend comment la vivre si tu lui en laisses le temps ». Cette phrase de Tony Bennett chanteur de Jazz grâce auquel Amy Winehouse vivra son plus joli rêve résonne comme un écho à celle que la jeune femme essayait désespérément de faire comprendre aux harceleurs de tout bord « Laissez-moi faire de la musique ! Donnez-moi le temps ! ». Car le temps c’est bien ce qui a manqué à Amy. Le temps de l’enfance, rongée par l’absence d’un père qu’elle portera toute sa vie au pinacle. Le temps de l’innocence, aspirée dans la spirale infernale de la boulimie. Le temps de l’amour, emportée par le tumulte de ses liaisons dangereuses avec un fameux Blake. No time to regret also celui qui l’a trimbalée d’héroïne en verres de gin pour la laisser définitivement go back to black. The time to go to rehab, but she says no, no, no. Enfin le temps de vivre, étouffée en permanence par les « autres », cet enfer en manque de sensations fortes, jamais rassasié.
Amy se rêvait chanteuse de jazz dans des clubs intimistes, son destin en a fait une rock star happée par le tourbillon du vedettariat. Femme encore enfant, elle puisait toute son énergie dans son inclinaison pour la musique et le chant mais surtout dans ses passions amoureuses qu’un ange noir a fini par foudroyer. Filmée partout et par tout le monde, le documentaire foisonne d’images plus ou moins heureuses sur l’artiste nous la faisant découvrir, en première partie, sous un jour nouveau. Fidèle à ses proches et extrêmement humble. Brillante et pleine de répartie. Pugnace et fonceuse. Parolière à vif prête à dégainer sa plus belle plume au moindre signe de fébrilité.
La seconde partie en revanche, bien qu’extrêmement touchante n’en demeure pas moins dérangeante. On y voit une fultitude de séquences inédites et saisissantes de la chanteuse filmée dans son intimité la plus stricte lors de sa descente en enfer : Amy en cure de desintox sur un lit fredonnant « Rehab » à son amoureux, Amy alcoolisée titubant dans les rues le rimel coulant sur ses joues, Blake Filder interpellé chez elle et menotté, Amy haranguée par son père durant des vacances pseudo-réparatrices pour n’avoir pas montré un enthousiasme fou à être prise en photo à côté de fans intrusifs… jusqu’au zoom final sur son cadavre, roulé dans un drap rouge, disséminé sur les écrans du monde entier.
Alors qu’est-ce qui a tué Amy à l’acmé de son talent? Les excès de drogues, d’amour, de bouffe? Toutes ces dépendances qui rongent les âmes sensibles. La dureté et l’oppression de la rançon de la gloire? Un peu du mélange de ce cocktail détonnant sans doute.
De ce documentaire « coup de poing » dont on ne ressort pas totalement indemne, on retiendra surtout que le monde étourdissant dans lequel nous vivons a perdu prématurément une des plus grandes soul-women de notre époque, à la hauteur d’ Ella Fitzgerald et de Billie Holiday.
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