Aussi immaculée que le laboratoire où elle sert de cobaye, Algernon est une souris qui rivalise d’ingéniosité avec Charlie dans la course pour atteindre le Graal de son labyrinthe. Un bout de fromage! Mais Charlie s’en fout lui du fromage. Non, Charlie voudrait juste gagner cette course contre Algernon dont les chercheurs ont réussi après intervention à démultiplier les facultés cérébrales.
Doté d’un QI de 68, d’un cœur en or, d’une conscience limitée de son état mental mais intrigué par les progrès révolutionnaires que l’intervention a généré sur la souris, l’homme se laisse alors tenter par deux scientifiques peu scrupuleux pour subir la même opération que le petit rongeur malicieux. Un objectif : devenir intelligent. « A quoi ils pensent les gens intelligents? A des choses inintéressantes mais c’est quoi des choses intéressantes? Moi j’en connais pas! L’expérience c’est une opération. L’opération c’est ce matin. On m’a rien donné à manger. J’ai demandé. On m’a rien donné. Je vois pas pourquoi manger empêcherait de devenir intelligent. Mais c’est comme ça! ».
Le roman de Daniel Keyes prend ici la forme du journal tenu par Charlie dont la trajectoire cérébrale suivra les contours d’une courbe gaussienne : ascension fulgurante, descente foudroyante. Une courbe dîtes en « cloche ». Triste destin pour un homme rendu d’un coup supra cultivé, démesurément intelligent. Mais qu’est-ce que l’intelligence lorsque l’on n’arrive pas à tisser des relations stables avec les autres faute d’avoir la maturité affective suffisante? A quoi peut bien servir l’intelligence quand elle permet de comprendre que le monde est cruel, discriminant avec les arriérés mentaux (et donc de souffrir)? Gamberger, se poser mille questions, en devenir fou.
Puis…Algernon donne des signes de dégénérescence cérébrale et s’éteint. Charlie comprend que le même sort lui est réservé. Bien que cherchant scientifiquement l’erreur qui a pu conduire à un tel désastre, sa descente aux enfers ne fait que commencer.
Assis sur un fauteuil d’handicapé pendant toute la représentation, Grégory Gadebois est époustouflant. Amusant et poignant par sa naïveté de simple d’esprit, cynique au sommet de son intelligence, émouvant à en pleurer lors des scènes de régression mentale, il semble pouvoir endosser avec facilité tous les costumes. Un huis clos mental à ne pas rater dont la morale pourrait être : n’est pas emmuré celui que l’on croit.
Des Fleurs pour Algernon de Daniel Keyes et Gérald Sibleyras se joue actuellement au Théâtre Hébertot.
Mise en scène : Anne Kessler
Avec Grégory Gadebois
Infos pratiques :
Théâtre Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles, 75017 Paris
> Comment s’y rendre?
Grégory Gadebois © Théâtre Hébertot
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