« Et le tout puissant le frappa et le livra aux mains d’une femme ». Étonnante tragi-comédie que cette relecture de la pièce éponyme de Sacher-Masoch. Vénus aphrodisiaque, aphrodite en string, portes-jarretelles, collier clouté, cuissardes et lèvres carminées. Tantôt vulgaire, tantôt bourgeoise. Pulpeuse, sensuelle, sarcastique, sadique, bacchante. Un huis clos oppressant, diabolique, jubilatoire, étourdissant d’intelligence, souvent déroutant. Le cinéma de Polanski de Cul de sac au Bal des vampires en passant par Rosemary’s baby ou Le Locataire étouffe et met en scène des univers sordides dans lesquels le drame côtoie souvent le grotesque. Et cette Vénus ne fait pas exception en jonglant savamment avec le ridicule de situations maso filmées à l’extrême derrière lesquelles on sent poindre la satire d’une société encore trop régie par le machisme.
Une rue irréelle, un soir. Des trottoirs artificiels bordés d’arbres, de gros nuages menaçants chargés en électricité : la caméra tel le vent avance au-dessus du sol et suit le chemin du théâtre décrépi dans lequel elle s’engouffre. Extrêmement vulgaire, peu cultivée, à côté de la plaque, Vanda (arrivée tardivement pour l’audition) envoûte Thomas (scénariste et metteur en scène) à peine le rôle pénétré. Il faut dire que son personnage, elle le campe à merveille. Elle le connaît par cœur. Totalement transformée, elle se met tout à coup à dicter l’évolution de la pièce s’improvisant éclairagiste, costumière, maquilleuse allant même jusqu’à retoucher le scénario. Vénus mystérieuse. Venue de nulle part, son contrat est clair : infliger toutes les humiliations possibles à Séverin consentant (ou serait-ce plutôt Thomas?, à qui elle donne la réplique).
Joute oratoire, inversion des rôles, mélange de théâtre et de réalité : qui perd? qui gagne? On ne sait plus trop dans ce jeu masochiste et schizophrène où Thomas et Vanda s’enfoncent peu à peu. Emmanuelle Seigner, sublimée par la caméra de son mari, y est remarquable. Polanski lui offre ici sans doute un de ses meilleurs rôles. Amalric, quant à lui, ressemble à s’y méprendre à Polanski. Est-ce à dire que le couple entretient une relation sado-maso? Et après tout on s’en fout, s’ils sont consentants cela ne nous regarde pas. En attendant ce huis clos théâtral vaut franchement le détour.
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