Louanges dithyrambiques, La Vie d’Adèle semble emporter tous les suffrages malgré le climat de rumeurs nauséabondes plus ou moins fondées qui entachent le film. Autoritarisme du réalisateur, notamment lors des scènes de sexe, imposant une perfection technique frôlant le despotisme? Si le public – trimbalé entre les accusations des actrices, les dénonciations aux manquements au code du travail des techniciens et les explications fleuves de Kechiche réglant ses comptes par presse interposée – a largement de quoi s’y perdre, le spectateur quant à lui semble plus en mesure de se faire un avis sur le sujet.
Car le perfectionnisme cinématographique transpire tout au long de cette vie bien loin d’être un long fleuve tranquille. Adèle, adolescente aux yeux de braise, au sourire carnassier, se cherche. Aimer un garçon, le désirer n’est-ce pas la norme? Pourtant en un clin d’œil, croiser cette fille aux cheveux bleus au détour d’un carrefour produit un bouleversement chimique incontrôlable. Intensité des regards, peaux qui s’effleurent, frissons perceptibles, émotions et sensualité palpables, ainsi commence la passion amoureuse entre cette lycéenne dont le prénom signifie « justice » en arabe et Emma une étudiante aux Beaux-Arts très sûrement inspirée par Bilal tout au moins par l’existentialisme de Sartre. Être maître de ses actes, de son destin sans aucun déterminisme n’est-ce pas cela la liberté absolue?
Perfectionnisme cinématographique et liberté, nous y voilà. Deux concepts qui selon moi ont égaré l’auteur car si La vie d’Adèle est sans nul doute un film remarquable sur la passion, son aveuglement, ses éclats, ses dégâts, ses trahisons (plus qu’un film sur l’homosexualité), Kechiche en a profité pour y inclure des scènes tirant sur le voyeurisme plus qu’apportant une réelle valeur ajoutée à une histoire qui placée sous l’angle de l’hétérosexualité n’aurait sans doute pas eu le même impact. Le réalisateur serait-il tombée amoureux de son actrice au point de vouloir la filmer en jouissance? Était-il franchement nécessaire de voir Adèle se branler, se faire pénétrer, se faire lécher, lécher, se frotter le clitoris sur sa compagne en long, en large et en travers cul en l’air, jambes écartées lors de plans interminables. Sexe non simulé pour atteindre la jouissance? Atteindre la jouissance pour montrer que la passion est jouissance absolue? D’un point de vue technique, les scènes de sexe ressemblent à une sorte de Kamasutra lesbien (ou pas d’ailleurs, qu’en pensent les lesbiennes?). Une vraie perfection. N’y voyez pas chez moi une quelconque pudibonderie mal placée (ce serait bien mal me connaître) juste des interrogations. Pourquoi? Deux hommes à la place et on tombait dans le porno, non?
Bref, outre la performance exceptionnelle des actrices et des scènes (notamment celles de tendresse sur l’herbe d’un parc ou de retrouvailles dans un café après rupture) d’une intensité remarquable, je m’attendais pour ma part à ce que le film aborde aussi l’intolérance et les difficultés quotidiennes qu’engendre l’homosexualité. Peut-être aussi, qu’il creuse davantage la différence sociale entre Adèle issue d’une classe ouvrière où l’on bouffe des plats en sauce et où l’on pense que la femme doit se trouver un gentil mari pour assumer les charges financières, en opposition au milieu social intellectuel de gauche d’Emma gobant des fruits de mer et acceptant l’homosexualité. Au lieu de cela, quelques séquences bourrées de clichés effleurant à peine le sujet. Tout ça pour ça? Au vu des critiques positives que je lis un peu partout, je me demande quand même. Merde alors : aurais-je raté quelque chose?
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