C’est un peu l’histoire d’un candide en Palestine, celle d’un homme parti un an en Terre Sainte pour suivre sa compagne administratrice de Médecins Sans Frontière. Logé en plein cœur de Jérusalem-est Guy doit très vite faire face aux incongruités d’une situation géopolitique complexe où juifs et arabes (musulmans ou chrétiens) vivent en conflit permanent. Les territoires occupés (c’est-à-dire placés sous l’autorité de l’armée israélienne) comprennent la Cisjordanie et un peu plus loin la bande de Gaza. Terres fragmentées, routes bloquées, checkpoints disséminés, les populations y vivent emmurées dans des zones délimitées par une ligne verte tracée au terme de la première guerre israélo-arabe en 1948 générant des situations absurdes. Et c’est cette absurdité que l’auteur souligne et croque sans jugement.
Mais comment s’imaginer que juste derrière Erez (contrôlé par le Hamas) unique point de passage de Gaza en terre israélienne habitent un million et demi d’individus qui ne peuvent pas sortir? Comment comprendre qu’à Hébron en Cisjordanie le territoire soit divisé en deux parties l’une contrôlée par les palestiniens, l’autre contrôlée par l’armée israélienne pour protéger les colons qui vivent dans quelques maisons proche du tombeau des patriarches? Oui l’absurdité, celle aussi du quotidien où d’un côté de la rue vivent les colons alors que de l’autre les palestiniens s’accrochent à leur demeure et préfèrent rester plutôt que de fuir au risque d’être perçus comme des lâches ou des traitres aux yeux des leurs. Pire encore à Hébron, Guy se promène dans des rues avec grillages au dessus des têtes installés comme mesure de protection des palestiniens contre les projectiles et autres meubles balancés par les colons habitants en étage sur les passants. Et même si, ne nous y trompons pas, ce comportement extrême des colons de Hébron est parfois vivement condamné par la grande majorité des israéliens (Ehud Olmert – premier ministre à l’époque – ayant même utilisé en 2008 le mot de pogrom perpétré par les juifs contre les arabes), les palestiniens craquent souvent nerveusement et vivent à n’en pas douter dans un stress quasi continu.
Et Deslile de conclure avec un brin d’humour ou un soupçon d’ironie : « J’te jure quand on voit le spectacle qu’offre la religion dans le coin, ça donne pas trop envie d’être croyant – Ah merci mon dieu de m’avoir fait athée! ». Profitant de son statut d’homme au foyer disposant de temps libre, il guide petit à petit le lecteur dans ses incursions territoriales : de Ramallah à Hébron en passant par le Mont des Oliviers, le Saint-Sépulcre, le mur des lamentations jusqu’à ses séances de dessin en contemplation devant la monstrueuse démesure du mur de la Honte. Imaginée au retour en France de l’auteur, c’est-à-dire avec toute la distance, l’humilité, la sagesse aussi que demande l’analyse de tels sujets, cette bande-dessinée est tout simplement passionnante. 350 pages dévorées, des émotions en cascade, des choses apprises. Un ouvrage hautement recommandable!
> Lire aussi un Candide en Palestine qui propose des photos de Hébron (Luzycalor/octobre 2010)
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