« Je dormais lorsqu’il est mort. J’avais appelé l’hôpital pour dire bonne nuit une dernière fois, mais il avait sombré, sous des couches de morphine. J’ai pressé le récepteur contre mon oreille pour écouter sa respiration laborieuse à travers le téléphone, sachant que je ne l’entendrais plus jamais »… Robert Mapplethorpe rendait son dernier souffle à 43 ans rongé par le sida. Ainsi commence Just Kids. L’histoire d’amour-amitié passionnante entre deux enfants terribles débarqués en 1967 à New-York, sans le sou, crevant la dalle, survivant de petits boulots miteux et logeant dans des endroits insalubres où « les murs étaient couverts de sang et de gribouillis psychotiques, le four était bourré de seringues usagés et la moisissure avait pris possession du frigo (…) le soir des encombrants nous sommes allés faire les poubelles où nous avons miraculeusement trouvé tout ce dont nous avions besoin ». Littéralement plongé au cœur du New-York underground des années 60, celui de la Beat Generation directement inspirée de la philosophie de vie de William Burroughs, Allen Ginsberg et Jack Kerouac, Just Kids rend aussi hommage à une époque révolue où les arts bouillonnaient entre eux au Max’s Kansas City, où l’esprit bohème ambiant de lieux tel le Chelsea Hotel attirait un vivier d’artistes talentueux trébuchant au mieux, voire tombant totalement dans les paradis artificiels. Une époque où Andy Warhol et sa cour partageaient de vrais moments de fraternité, de débats amicaux, de fêtes dans les lofts des uns et des autres avant que le commerce ne gangrène l’art. Une époque où les artistes comprenant un « J » dans leur prénom ou leur patronyme mouraient à 27 ans!
C’est dans cette atmosphère propice à la créativité que Patti Smith et Robert Mapplethorpe, se sont aimés, séparés, retrouvés pour ne plus jamais se quitter entretenant une relation fusionnelle tant sur le plan affectif qu’intellectuel. L’un fragile, ambitieux, impatient, l’autre forte, pugnace, posée et fidèle. Hantée par le fantôme de Rimbaud, Patti Smith accèdera à la célébrité en écrivant d’abord des poèmes puis en devenant la chanteuse de rock reconnue et prisée que l’on connaît. Robert Mapplethorpe quant à lui fera exploser toute sa créativité dans la photographie où il excellera grâce à ses jeux d’ombres et de lumières. Provocateur jusqu’à l’extrême, il se mettra en scène dans des situations tendancieuses (une photo le montre penché de dos avec un fouet dans le cul). Homosexuel offrant son corps d’abord par nécessité (pour payer ses dettes) puis par conviction il n’hésite pas à puiser son inspiration dans le sexe et la pornographie sado-maso faisant de ses amants ses modèles attitrés dans une Amérique ultra-puritaine. Si le chemin de l’amour charnel les a un jour séparés, l’amitié, la complicité, la compréhension en revanche resteront intactes et les guideront… au delà de la mort. Pas besoin de connaître et d’aimer l’œuvre de ces deux artistes pour apprécier Just Kids à sa juste valeur!
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