“Les hommes ne font jamais le mal si complètement et joyeusement que lorsqu’ils le font par conviction religieuse ». Cette citation de Blaise Pascal, de la bouche du vieux moine médecin du Monastère de Tibhirine (que joue l’excellent Michael Londasle) semble résumer le film de Xavier Beauvois. D’un autre côté l’on pourrait aussi remplacer dans cette allégation le mot « mal » par « bien » lorsqu’il s’agit de parler des huit moines chrétiens français retenus en otage puis assassinés vraisemblablement par des extrémistes islamiques en Algérie dans les années 90.
Je ressors à peine de ce film bouleversée, émue jusqu’aux larmes, interpellée par sa dimension humaine. Tout dans la mise en scène et les dialogues de Beauvois met l’accent sur la bonté, l’humilité, le dévouement de ces croyants tournés vers la détresse morale et physique de leurs frères musulmans pauvres et déboussolés par un climat de guerre civile.
Suivre la vie au quotidien de cette communauté respectant des rituels religieux, vivant en parfaite harmonie avec la nature, se nourrissant du fruit de la terre, se consacrant entièrement à autrui est simplement passionnant. Eloignés de tout prosélytisme et de toute idéologie consumériste ces Cisterciens ont définitivement privilégié le don de soi et la générosité sur l’individualisme. Malgré l’épée de Damoclès qui pèse sur leur tête et le gouvernement français qui les rappelle en Métropole, ils feront tous et démocratiquement le choix de rester en terre étrangère. Pourtant le doute s’empare de certains d’entre eux, les ronge, allant jusqu’à remettre en cause, le temps d’un souffle, leur foi. Cette même foi qui pour les autres semblent indéfectibles. Car à être moine on en reste pas moins homme avec sa part de peur et d’hésitation face à une situation plus que périlleuse.
Certes on pourrait reprocher à Xavier Beauvois le caractère un peu facile de certaines séquences, je pense notamment à la reproduction de la « Cène » en fin de film où le réalisateur mélo-dramatise au son du « Lac de Cygnes » tout en faisant de longs plans sur le visage des moines en larmes. Mais le film n’en demeure pas moins extrêmement bouleversant par la générosité qui s’en dégage, par la sobriété de Beauvois dans sa manière de filmer, par la mise en valeur de l’engagement d’hommes qui ont eu le « choix », celui de mourir pour une noble cause. Chacun d’entre nous en le regardant devrait s’interroger sur les valeurs de la vie, sur ce qui pousse des hommes à choisir définitivement l’amour d’autrui quand d’autres au nom de la même cause se tournent vers la violence et les massacres.
Oui j’ai plus qu’aimé ce film qui pour moi représente une expérience de cinéma pas comme les autres que je n’aurai voulu rater pour rien au monde.
Le dernier plan est magnifique : encadrés par leurs bourreaux, on y voit les moines gravir avec peine une montagne enneigée de l’Atlas. Puis peu à peu les silhouettes se fondent dans un manteau de neige comme symbole de leur linceul. Seuls deux d’entre eux cachés dans le Monastère auront échappé au massacre : Père Amédée disparu en 1998 et frère Jean-Pierre toujours en vie. Aujourd’hui encore l’identité des ravisseurs restent incertaines mais de lourdes charges pèsent sur le Groupe Islamique Armé (GIA).
Crédits photos : Droits Réservés
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