Blonde fascinante, brune piquante, rousse intrigante, le cinéma est marqué par des chevelures d’actrices dont la coloration évoque tantôt la douceur et la beauté ultime tantôt la force de caractère et la volupté. Un peu cliché tout cela me direz-vous? Pourtant les choses ne sont pas aussi simple et c’est ce que révèle la scénographie imaginée par Alain Bergala, commissaire de l’exposition Brune Blonde que propose actuellement la cinémathèque de Bercy.
Les plus grands réalisateurs ont tourné des films majeurs à partir de la chevelure comme élément de séduction ambivalent, à la fois attractif et en même temps inspirant la méfiance. De Alfred Hitchcock à Jacques Demy en passant par Jean-Luc Godard, David Lynch, Howard Hawks, Fassbinder, autant d’excellents réalisateurs, tous influencés par la beauté capillaire, jouant parfois avec le blond parfois avec le brun au sein d’un même film : double rôle, double femme, désir démultiplié. Mais au-delà de la séduction, la chevelure est aussi sociale et politique lorsque par exemple elle se voile et est soustraite au regard masculin. Paroxysme de la féminité lorsqu’elle est longue et soyeuse, elle peut être une amputation de féminité, un exil social lorsqu’elle se fait tondre.
Brune Blonde n’est pas seulement une exposition sur le cinéma, c’est aussi l’occasion de poser un large regard sur l’art en général : les cheveux et leur mouvement dans la peinture, dans la sculpture, dans la photographie. Le public peut donc y voir les dessins de la chevelure végétale de Galatée de Gustave Moreau, deux profils blond-brun de Mucha, un tableau de Puvis de Chavannes, des photos de Man Ray ou encore la sculpture d’une danaïde d’ Auguste Rodin.
L’exposition présente enfin six courts métrages inédits commandés à Isild Le Besco, Kiarostami, Yousry Nasrallah, Nobuhiro Suwa, Abderrahmane Sissako et Pablo Trapero où chaque cinéaste nous livre sa vision de la chevelure féminine et sa représentation. Malheureusement sur les six, je n’ai pu en voir que trois d’une qualité exceptionnelle. Je pense notamment à celui de l’Egyptien Yousry Nasrallah qui filme la métamorphose d’une femme voilée en un personnage androgyne; un morceau de latex à la place de la chevelure servant à opérer la transformation. J’ai également beaucoup apprécié le court-métrage de l’iranien Abbas Kiarostami où l’on voit une petite fille italienne d’abord enchantée à l’idée de tourner un film mais pour qui l’expérience va virer au cauchemar lorsque le réalisateur va lui demander de raser sa belle chevelure pour les besoins du film. Ni la petite fille, ni celles qui lui succèderont (pour qui la chevelure constitue l’identité) n’accepteront de se prêter au jeu.
Une exposition à ne pas manquer.
© Photo Emilio Pereda and Paola Ardizzoni / El Deseo
Bardot Brune dans Le Mépris de Godard
Bardot Blonde dans Le Mépris de Godard
Les sœurs jumelles – Les demoiselles de Rochefort de Jacques Demy
Patricia Arquette en brune dans Lost Highway de David Lynch
Patricia Arquette en blonde dans Lost Highway de David Lynch
Brune / Blonde – Bande-annonce de l’exposition
Brune Blonde, jusqu’au 16 janvier 2011
Cinémathèque française
51 rue de Bercy
75012 Paris
Lun-sam : 12h-19h
Tarif plein : 8 €
Tel. : 01 71 19 33 33
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