Bien triste nouvelle que celle de la mort de Jean Giraud que personnellement j’ai surtout aimé sous le trait de Moebius. Un pseudo à consonance stellaire? En tout cas un grand nom du monde de la bande-dessinée. Adolescente, je n’étais pas fan des Tintin, Astérix et autre Lucky Luke que je lisais sans grande conviction. Non! mon véritable enthousiasme, mon amour de la bande-dessinée est apparu avec les aventures de Gaston, ses espadrilles de clodo, sa ménagerie d’animaux tous plus tarés les uns que les autres, son authentique amour pour la rouquine coincée mademoiselle Jeanne, ses gaffes sans cesse renouvelées jamais égalées et surtout son indolence. Tombée dans la marmite, je n’ai fait qu’une bouchée des Spirou et Fantasio. Un peu plus tard et sur les conseils d’un proche je découvrais l’univers de Gotlib et ses Rubrique-à-Brac que je viens d’ailleurs de relire il y a peu. Contes de fées déjantés, enquêtes policières truculentes, réflexions étranges sur le sens de la vie et apparition de personnages récurrents décalés type Isaac Newton, je plongeais alors avec délice dans un monde plein d’humour, surréaliste à souhait, d’une puissance graphique incontestable. Un monde qui me parlait franchement et qui m’ouvrait à d’autres dessinateurs talentueux (Bretecher, Binet, Edika, Lelong, Léandri, Maëster, Moebius déjà, Reiser, Wolinski, et bien d’autres encore…). C’était l’époque des Fluide Glacial et autre Echo des Savanes. Je poussais même le vice jusqu’à consulter certains Hara-Kiri trouvés dans des bibliothèques amies que je survolais pour le coup en cachette; le Professeur Choron n’étant pas trop fréquentable pour l’adolescente de 16-17 ans que j’étais alors.
Quelques années plus tard je me tournais vers une bande-dessinée plus onirique; parfois fantastique faîte d’elfes, de trolls, de gnomes, de créatures incroyables et cauchemardesques, parfois de science-fiction regorgeant d’univers futuristes, de techno-civilisations, de méta-barons et de Bergs. Je découvrais Loisel et Le Tendre avec la Quête de l’oiseau du temps, Lanfeust de Troy de Arleston et Tarquin, L’Incal de Moebius et Jodorowsky ou encore Bourgeon qui outre Les Passagers du Vent (série de bandes-dessinées historiques hautement recommandable) me transportait avec le Cycle de Cyann (quoique l’attente un peu longue entre la sortie des différents tomes ait quand même écorné le plaisir).
Je garde pour l’Incal une affection particulière. Œuvre en 6 volumes, le lecteur est projeté dans un univers de fiction étrange, parfois abscons qui évolue sans cesse et fourmille de créativité artistique tant dans le scénario que dans son illustration. L’Incal c’est tout un monde un peu fou composé de villes verticales hors normes, de villes suspendues, mobiles ou démontables. Des villes où l’homme désespéré se jette dans un vide qui n’en finit pas (Ridley Scott et Luc Besson remercieront Moebius) à l’instar de l’anti-héros John Difool (dont le lecteur suivra la quête tout au long de la saga) qui tentera la chute vertigineuse en début d’histoire.
La mort de Moebius m’a donné envie de revivre les aventures de John Difool et de Deepo. De retrouver également l’univers fantastique de Jodorowsky dont le film Santa Sangre m’avait particulièrement marquée. Avec la mort de Moebius, une étoile de la BD s’éteint, c’est certain.
Crédit photo : Moebius- Giraud/ Autoportrait
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