« Au moins c’est constant, c’est mauvais du début à la fin » voilà ce que j’ai pu entendre au sortir de Bullhead. Injuste sentence pour un film que je n’ai pourtant pas aimé mais qui reste remarquable dans sa mise en scène et le jeu exceptionnel de Matthias Schoenaerts situé quelque part entre l’homme et le taureau. Me revient à l’esprit l’image de cet ange, de cet enfant aux yeux clairs, au teint pâle, au visage nimbé de candeur : ce clap de fin comme claque dans la gueule. Un retour sur l’innocence détruite après deux heures de souffrance humaine en pleine poire. C’est long, c’est glauque, oppressant pour ne pas dire anxiogène accentué par l’usage de filtres de couleurs, de contre-jours, de successions de travellings et gros plans sur la détresse de Jacky, agriculteur flamand impliqué dans des trafics d’hormones contrôlés par la mafia locale.
Car Jacky ne fait pas qu’être mêlé aux trafics régionaux visant à engraisser à coup de seringues la viande qui finit dans nos assiettes, Jacky s’injecte lui-même en intramusculaire les mêmes hormones de croissance qui le rendent chaque jour un peu plus bestial, un peu plus violent. Difficile de s’identifier, de s’attacher ou d’appréhender les motivations de ce minotaure juste repoussant, renfermé, inquiétant. Puis l’explication arrive via une scène en flashback d’une sauvagerie inouïe où l’on comprend que notre écorché vif s’est vu déposséder de ses parties intimes broyées sous les coups de pierre d’un enfant attardé. Tous les enjeux s’éclairent et le film prend alors une autre dimension, celle de la tragédie d’un individu vulnérable, victime à la prépuberté d’un trauma irréversible ayant plongé sa famille dans le chaos psychologique, sombrant petit à petit à l’âge adulte dans un désespoir palpable, une folie autodestructrice générée en partie par l’injection de testostérone.
La souffrance à l’état brut qui crève l’écran, qui prend aux tripes, qui fait mal. Aucun espoir, aucune issue possible pour regagner ses galons d’homme. Un engrenage infernal jusqu’à la scène finale en apothéose.
Non je n’ai pas aimé l’ambiance de Bullhead polar noir et oppressant prenant pour cadre un milieu rural corrompu en Flandre sur fond de meurtre d’un policier où seules les répliques franchement débiles de deux garagistes wallons manipulés par la mafia flamande permettent quelques minutes de décompression (un peu cliché quand même). Bien trop sordide, bien trop chargé en testostérone, pas assez rythmé pour que je puisse adhérer. Toutefois j’admets que Bullhead reste un polar efficace, sans concession remarquablement interprété par un acteur massif jonglant aussi bien avec la violence et l’agressivité qu’avec la fragilité et la souffrance. Un film à voir.
> Lire l’interview de Matthias Schoonaerts
Photo : Issue du film Bullhead – Matthias Schoonaerts – DR
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