Greenaway est un magicien de l’image et de sa composition, un poète un peu maudit du 7ème art. Non plutôt un peintre qui pose un regard assez noir, souvent cynique bien qu’un brin amusé sur le monde. Un artiste complet en tout cas. Je l’ai découvert lorsque je trainais mes guêtres dans les cinémas d’art et d’essai du Quartier Latin. Plus ou moins influencé par l’Ouvroir de littérature potentielle – qu’on appelle communément OuLiPo – ses œuvres se structurent autour des nombres qu’il fait intervenir de manière assez récurrente et flagrante (Drowning by Numbers notamment en est l’expression la plus criante), de la couleur éloquente dont il fait un langage cinématographique (un bel exemple que Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant) et de l’art, ses œuvres étant orientées vers la peinture, le dessin, l’architecture ou encore la musique. La musique en elle-même a d’ailleurs aussi un rôle à part dans le cinéma de l’auteur. Un brin répétitive, plutôt minimaliste, elle n’a pas vocation à illustrer l’image, à être narrative, mais plutôt à la structurer. En clair Greenaway se sert d’abord de la musique pour donner le ton à l’image et non l’inverse. L’idée étant que le compositeur choisi imagine la musique (aidé de quelques indications préalables) avant que le film ne soit construit.
Pour Meurtre dans un jardin anglais le cinéaste a fait appel à Michael Nyman (celui ci deviendra ensuite sont « presque » compositeur attitré, Win Mertens étant intervenu sur quelques-uns de ses films) pour une mélodie que tout le monde connait aujourd’hui et que je vous mets en lecture ici.
Meurtre dans un Jardin Anglais (The Draughtsman’s Contract) est une de ses œuvres majeures. Ayant été marquée à l’époque par l’histoire et l’esthétique du film, il faisait partie de ceux que j’avais envie de revoir. Je n’en gardais que quelques bribes et la deuxième lecture n’en fut que plus savoureuse. D’un cynisme à couper le souffle, le film met en scène la signature d’un pacte faustien où le perdant ne sera pas celui que l’on croit. L’intrigue un brin complexe se situe au 17ème siècle dans la demeure de quelques notables emperruqués, costumés et poudrés de blanc. Le contrat passé consiste à faire réaliser à un peintre paysagiste plutôt bel homme, séducteur, artiste talentueux et imbu de sa personne 12 illustrations de la maison et du domaine (tiens on retrouve les nombres si chers à Greenaway) en échange de 8 livres par dessin, une pension complète et surtout la possibilité de jouir à son aise du corps de la quinquagénaire commanditaire (Madame Herbert) dont le mari vient de s’absenter pour 12 jours. Petit à petit, en réalisant son travail tout en se délectant des faveurs de la dame, le peintre va se rendre compte qu’il intègre à ses tableaux des éléments du paysage intrigants qui conduiront tout droit vers la découverte d’un…meurtre.
Puzzle diabolique, joutes verbales de haute volée, manipulation perverse et funeste voici ce que propose Greenaway. C’est implacable, c’est saisissant. Mais au delà de l’orchestration mathématique parfois un peu absconse – il faut quand même bien l’admettre – un petit chef d’œuvre visuel. La passion pour l’art pictural de l’auteur (Greenaway étant d’abord peintre de formation) transpire tout au long du film qui rend un bel hommage à la peinture des maîtres flamands du 17ème, notamment Vermeer. Un vrai régal pour les yeux. Qui plus est, la touche surréaliste que le cinéaste a bien voulu y donner, la touche coctienne légèrement distillée par la statue vert de gris qui s’anime, pisse dans l’herbe, saute sur les murets, tire la langue aux enfants et se camoufle dans les feuillages ajoutent à ce film, et en ce qui me concerne, un degré supplémentaire d’intérêt.
Beaucoup trouvent le cinéma de Greenaway long, chiant, trop abscons, étouffant, surchargé (un, deux, trois, quatre ou même les cinq à la fois). Hérésie! Moi je le trouve juste génial et ne peux que vous inviter à le découvrir.
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