Photographe talentueuse Claire Bouleau explore l’histoire américaine à travers de vieilles gloires de l’automobile. Immédiatement séduite par cette artiste, il m’a semblé évident de vous la présenter; d’abord en la laissant si brillamment parler de son œuvre ensuite en vous proposant quelques-uns de ses clichés. Son exposition « Time Machines » se tiendra du 1er au 30 juin à la Banque Barclays dans le 8ème arrondissement de Paris. Rencontre avec une artiste.
Parlez nous un peu de vous et de votre parcours?
Je suis née et ai grandi à Paris. Mon père était un fou de jazz et de photographie. Il m’a offert mon premier appareil photo à 10 ans. J’ai toujours aimé jouer visuellement avec les choses et la vie. J’adore aussi les histoires : les gens, les situations, les lieux, et les surprises de la vie qui se racontent à haute voix. Ce n’est sans doute pas un hasard si j’ai travaillé avec Claude Villers, ce marchand d’histoires formidable. En radio, ironiquement, on est l’Observateur qui retranscrit ce que l’auditeur ne voit pas pour mieux l’inviter à imaginer. La photo sollicite également l’imagination. Il y a quelques années, je décidais de me consacrer entièrement à la photographie. Je suis en quelque sorte une jeune photographe.
Qu’est-ce que Time machines ?
Time Machines est une exposition photographique qui nous permet de remonter le temps : celui du rêve Américain. Je suis partie explorer des véhicules qui ont façonné la culture de ce continent. Ceux-là même qui ont parcouru des milliers de miles au milieu du siècle dernier, abolissant ainsi les distances de chacun. On devine la griserie individuelle, économique, géographique et culturelle qui régnait alors. Les cinémas en plein air, les drive-in, la conquête de l’espace en dehors des villes. La mobilité à portée de tous. En pénétrant dans ces voitures, dans ces camions, j’étais frappée par l’atmosphère qui subsiste encore aujourd’hui dans ces habitacles. J’avais, à chaque fois le sentiment de rentrer chez quelqu’un. Chaque véhicule résume un univers unique et bouleversant. J’imaginais le jour où celui-ci fraîchement sorti de l’usine avait été choisi, habité, embrassé par ces vies. Les intérieurs sont vastes. On est dans l’abondance d’espace comparé à nos jours. Et puis, demeurent ces traces du temps : l’emprunte d’un siège, les volants culottés par le temps, les virages, une radio figée sur ondes courtes, tous ces petits bricolages humains émouvants. Pour moi, Time Machines est une invitation pour chacun à s’asseoir et revisiter ce temps d’insouciance révolu. Voir et aussi imaginer les odeurs, les conversations. Time Machine est une machine à remonter les rêves.
Pourquoi une telle démarche?
Depuis que j’habite aux Etats-Unis, je m’étonne chaque jour de deux choses : la capacité de ce pays à porter ses rêves, à les réaliser et le temps que l’on passe en voiture chaque jour. Il m’arrive encore de me laisser surprendre par les distances, de les sous-estimer. On vit clairement à une autre échelle géographique. Je suis fascinée par la façon dont ce continent s’est approprié ses rêves, parfois jusqu’à l’excès, bâtissant ces routes, ces banlieues infinies, ces gigantesques malls (centres commerciaux ) et parkings à perte de vue. Même le Pentagone a des parkings à n’en plus finir. La voiture dicte beaucoup de choses ici. C’est une seconde maison. On y mange, on co-voiture avec ses collègues, on y travaille, on s’y maquille, on s’y rase comme dans sa salle de bain. J’ai voulu plonger dans l’origine de cet univers qui nous est si étranger. Ces voitures aujourd’hui soumises à la force , la végétation sont poignantes, comme un rêve brisé. Croyez-moi, ouvrir la porte de l’un de ces dinosaures d’acier oublié depuis plus d’un demi-siècle est une expérience unique. Il y a un côté Pompéi de l’automobile avec tout ce panache dans ces élégantes Thunderbird ou Pontiac d’alors. C’est sublime. On traverse le temps immobile. Quoi de plus visuel ? La voiture se révèle sous l’objectif telle une belle dame fatiguée.
D’ où vous vient l’idée de ces photographies et quelle est leur signification?
Sans m’en rendre compte, j’avais au cours de mes voyages réunis pas mal de photos de voitures abandonnées. Il y a quelque chose qui me touche toujours dans l’abandon et l’oubli des choses ou des êtres aimés. J’ai décidé alors de transmettre cette émotion de façon plus approfondie. J’ai voulu traverser l’histoire de ce pays avec deux collectionneurs qui ont consacré leurs vies à ces voitures et ces camions. Des conservateurs passionnés en quelque sorte qui repèrent les modèles existants et les rassemblent dans leurs backyards. Je me suis retrouvée au carrefour de ces histoires humaines dictées par l’histoire automobile américaine. C’est un beau voyage, non?
Vous plaisez -vous aux USA? Qu’y trouvez-vous que vous ne pourriez trouver en France?
J’aime l’espace de ce continent. Parcequ’il m’offre le sentiment d’être neuve, en état de découverte constante. J’aime son enthousiasme, son côté un peu immature revigorant. Lorsque je suis en France j’apprécie notre sens inné du beau et du bon. Lorsque je suis ici, j’apprécie le sens pratique des choses qui marchent. En France, une histoire riche et complexe nous porte. Ici, le rêve l’emporte.
Painted truck © Claire Bouleau
Inside ou final © Claire Bouleau
Times Machines
du 1er au 30 juin 2011
Exposition photographique
Barclays – Banque Privée
91, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Horaire d’ouverture : lundi au vendredi de 8h45 à 18h45
Entrée libre
>Site Internet de Claire : http://clairebouleau.com
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