L’Odyssée – Jérôme Salle

Drame confidentiel, L’Odyssée raconte avant tout l’histoire d’une famille éclatée et meurtrie. Deux heures de plongée en apnée dans l’intimité de Jacques-Yves Cousteau vu à travers un regard souvent empreint de tendresse mais aussi distancié. Celui d’un des fils, Jean-Michel, véritable satellite à la fois proche et pourtant si isolé des siens. Car au-delà du Monde du silence qui a pourtant fait l’objet d’une certaine critique reprochant la violence de l’exploration sous-marine menée par l’équipe de la Calypso, au-delà également des nombreux documentaires marins qui ont rendu l’homme au bonnet rouge familier auprès du public, la vie intime et maritime du célèbre océanographe semblait pour le moins houleuse.

Destiné à devenir aviateur, un problème à l’épaule lui offrira une autre voie faîte d’embruns, de vagues, de tempêtes et de conquête des fonds marins au détriment de tout. Du respect de ses fils bien souvent négligés, de l’estime de sa femme qui après l’avoir financièrement soutenu s’est doucement éteinte victime des excès et négligences d’un mari jouisseur égoïste rongé par un profond désir de reconnaissance. Au détriment également d’une certaine éthique car devenu business man Cousteau accepte très vite un deal avec la British Petroleum pour lancer ses expéditions. Un deal dévastateur pour l’environnement. Mais est-ce faire un mauvais procès au Commandant de la Calypso que de lui reprocher son rapport colonial à la nature au début de son périple lui qui ne se proclamait alors pas fervent défenseur de l’écologie?  Et si la prise de conscience de ce passionné s’est faîte sur le tard, c’est dans la peau d’un homme engagé dans la lutte écolo qu’il franchira la fin du siècle. On lui doit d’ailleurs, après son expédition dans l’Antarctique, un moratoire de 50 ans instauré lors du Protocole de Madrid (1991) sur l’exploitation des ressources minières de ce territoire. Aujourd’hui, seule la recherche scientifique et un tourisme durable sont autorisés sur le continent blanc où l’idée même d’une exploitation y paraîtrait scandaleuse.

En allant voir L’Odyssée, beaucoup y découvriront celui que l’on surnommait JYC sous un nouveau jour révélé par le regard implacable d’un réalisateur bien inspiré. A noter également la prestation remarquable d’un acteur habité (Lambert Wilson) brillamment accompagné d’une Audrey Tautou gouailleuse puis ténébreuse dans le rôle de Simone Cousteau et d’un Pierre Niney émouvant dans le rôle de Philippe, le fils préféré.

Paysages magnifiques de glaciers, danse avec les requins, approche majestueuse d’une baleine, les amateurs de nature ne seront pas en reste. Les émotifs eux sortiront leurs mouchoirs car L’Odyssée, celle de Cousteau et non d’Homère, est une épopée poignante et captivante (bien que souffrant en début d’un manque de fluidité) à ne surtout pas rater.

 

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