Féministe jusqu’au bout des ongles, Niki de Saint Phalle n’est pas seulement l’artiste à l’oeuvre joyeuse et colorée, l’artiste aux multiples « nanas » protéiformes, géantes, brillantes et bigarrées, partie la plus visible de l’iceberg. L’immersion dans son monde laisse entrevoir autre chose. Violée par son père à 11 ans, « dévorée » mentalement par sa mère durant l’enfance, son art traduit également ses blessures les plus profondes, sa violence refoulée mais aussi son engagement politique du côté des minorités ostracisées et social du côté de la femme. Car le pouvoir, Niki le voulait féminin. « Les hommes ont construit des gratte-ciels, des villes, inventent sans cesse de nouvelles technologies… pour oublier que la femme peut créer ». Par « créer » Niki entendait donner vie, accoucher au sens propre du terme. La femme dont l’homme annihile la sensibilité, la créativité. La femme qui pourrait rendre le monde meilleur. « Le communisme et le capitalisme ont échoué. Je pense que le temps est venu d’une nouvelle société matriarcale. Vous croyez que les gens continueraient à mourir de faim si les femmes s’en mêlaient. Ces femmes qui mettent au monde ont cette fonction de donner vie. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’elles pourraient faire un monde dans lequel je serais heureuse de vivre », dira t-elle ou encore « Pour moi, mes sculptures représentent le monde de la femme amplifié, la folie des grandeurs des femmes. La femme dans le monde d’aujourd’hui. La femme au pouvoir ».
Autodidacte, Niki de Saint Phalle s’inspira des plus grands dans son art auquel le Grand Palais rend actuellement hommage en proposant une rétrospective fascinante et complète. De ses immenses tableaux à la perspective large et aplatie, à la surface épaisse rappelant l’oeuvre des matiéristes Jean Fautrier et Jean Dubuffet, aux ciels noirs et blancs parsemés de tâches de peinture influencés par les drippings de Pollock, aux objets fixés véritable clin d’œil à Jasper Johns et Robert Rauschenberg, en passant par ses sculptures, assemblages, collages offrant la vision d’un monde torturé, bancal parfois violent pour finir par ses œuvres monumentales inspirées par Gaudi, tout y est sublimé.
Le visiteur y apprend aussi que Niki la subversive tirait à la carabine sur ses tableaux faisant exploser des poches de peinture savamment disposées sur un plâtre travaillé au préalable. Sur qui tirait-elle au juste? La société patriarcale? Un père incestueux? L’injustice de la guerre? Les débordements de la religion? La bourgeoisie, les biens pensants? Un peu de tout ça pour un brin de femme qui a su voir grand. « Je m’appelle Niki de Saint Phalle et je fais des sculptures monumentales ». Une exposition à ne surtout pas manquer!
Niki de Saint Phalle en train de viser – 1972 – photographie en noir et blanc réhaussée de
couleur extraite du film Daddy. © Peter Whitehead
Tree of Liberty – maquette polyester, peinture et feuilles d’or – Niki Charitable Art Foudation,
Santee, USA © 2014 Niki Charitable Art Foundation, All rights reserved / Photo : Ed Kessler
Skull (Meditation Room) – 1990 – mosaïque de verre et de miroirs, céramique,
feuille d’or – © 2014 Niki Charitable Art Foundation, All rights
reserved / Photo : Michael Herling
Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely à l’atelier –photographie de Harry Schunk 1963
© 2014 Niki Charitable Art Foundation, All rights reserved
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