Enfant de la balle, Vincente Minnelli, monta sur les planches dès l’âge de 3 ans. Adulte, il exerça différents métiers notamment au théâtre (décorateur ou encore directeur artistique) avant de céder à son tour au chant des sirènes hollywoodiennes. C’est alors au sommet de sa gloire de metteur en scène – en 1952 – qu’il délaisse la comédie musicale et le mélodrame pour réaliser un film consacré à cet univers qu’il connaît désormais si bien : Le cinéma.
The Bad et the Beautiful relate ainsi l’histoire d’un producteur (Jonathan Shields joué par Kirk Douglas) ayant sacrifié à ses projets la vie professionnelle de ses collaborateurs – un écrivain, un réalisateur, une actrice – et qui dans le creux de la vague va se voir dresser un portrait loin d’être élogieux par ces 3 derniers, conscients d’avoir été manipulés malgré l’affection qu’il lui portait. Aucun d’entre eux ne semble enclin à lui laisser une seconde chance tant le souvenir qu’ils conservent de Shields paraît amer. En trois flashbacks chacun racontera sa rencontre et sa relation avec Shields et les raisons qu’il a de ne pas lui accorder de faveur particulière.
The Bad and the Beautiful décrit le milieu du cinéma hollywoodien des années 30 et 40 mais évoque aussi à travers ses personnages, les véritables légendes qui ont marqué de leur empreinte le cinéma hollywoodien. Le destin de Shields est réellement inspiré de la vie de David O. Selznick, emblématique producteur de la Metro Goldwyn Mayer qui fut à l’origine du tournage d’Autant en emporte le vent. De même que le metteur en scène Von Ellstein, embauché par Shields, évoque à s’y méprendre Eric Von Stroheim ou Josef Von Sternberg. L’actrice interprétée par Lana Turner est inspirée de la vie de Diana Barrymore mais nous rappelle en tous points Judy Garland, actrice fragile et malmenée, qui fut l’épouse de Minnelli. Dans le flashback consacré à Amiel, la séquence dédiée aux costumes des hommes-chats rend hommage aux grands films fantastiques dirigés par Jacques Tourneur dans les années 40 (La féline, Vaudou, L’homme-léopard). Quant au surnom de « Genius Boy » donné à Shields, c’était tout simplement celui d’Orson Welles.
Ce film se démarque de l’ensemble des « méta-films hollywoodiens » en proposant non seulement un processus dramatique intense mais également et surtout en gommant tout le vernis et le lustre qui sied si bien habituellement à l’industrie hollywoodienne. Sur la base d’un scénario relativement simple, Minnelli réussi à broder un canevas où se croisent et se décroisent les destins des protagonistes. Dans un style très classique, il place alors le spectateur au cœur même de son univers quotidien au moyen de plans séquences élaborés, de travellings aériens, mais surtout d’une mise en scène hors pair. Shields, incroyablement joué par un Kirk Douglas tyrannique et passionné, est au cœur d’un processus en miroir, où les différents personnages sont confrontés à lui et à eux mêmes. Il leur donne et nous donne des leçons de cinéma, des clés pour mieux l’apprécier. Il est le professeur et nous le suivons à travers toutes les étapes de son travail. Laissant entendre qu’il faut parfois peu pour faire beaucoup, Jonathan Shields alterne ainsi le « Bad » et le « Beautiful ». Ce « Genius Boy » peut être aimé et haï à la fois. Il incarne à lui seul, ce sentiment qui fait penser que tout est possible dans un monde où le rêve est souvent rattrapé par la réalité. Mais où se situe la frontière entre les deux ? Ce thème cher à Minnelli s’incarne ici de manière très subtile. Le cinéma est un art et comme tout ce qui est beau, le prix à payer est souvent élevé. Minnelli le sait et le démontre de façon magistrale.
Article écrit par Gilles A.
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