Passer le mur végétal, franchir la verrière derrière laquelle se trouvent espèces botaniques variées, petits sentiers, bassins et créations artistiques océaniennes puis accéder au bâtiment. Véritable joyau dans cet écrin de verdure, le musée du quai Branly propose en ce moment une exposition qui explore l’univers du tatouage en rassemblant plus de 300 œuvres historiques et contemporaines provenant du monde entier.
Quoique victime de sa notoriété – entendez par là qu’en plus d’une file d’une heure avant de parvenir aux portes de l’expo il faut composer avec un nombre important de visiteurs agglutinés parfois, à juste titre, pendant de longues minutes devant les productions – Tatoueurs, Tatoués a de quoi combler les attentes des amateurs autant que des néophytes tant par la richesse des objets traditionnels, documentaires, photographies, sculptures qu’elle propose que par l’exploration ethnographique et le cheminement sociologique qu’elle sous-tend.
Quelques peaux humaines – tannées ou formolisées – tatouées, un bras momifié marqué, des cranes aux motifs à encre incrustée, l’exposition commence assez fort pour un public d’emblée averti que certaines œuvres pourraient choquer les plus sensibles. N’abusons pas non plus. On a vu pire. Notamment lorsque l’on sait que le tatouage symbolise parfois l’assujettissement, l’appartenance à un groupe religieux ou social montré du doigt et humilié.
Ainsi si aujourd’hui le tatouage est de plus en plus assimilé à de l’art sur la peau ou à une philosophie de vie, si aujourd’hui le tatouage – véritable miroir de l’âme – raconte une histoire, il a aussi été l’emblème des marginaux. Depuis le marquage des esclaves de la Rome Antique jusqu’au tatouage forcé et punitif des juifs pendant la seconde guerre mondiale, des trottoirs aux goulags et prisons, le tatouage écrit le vocabulaire crypté de population marquée par le sceau de la mort ou déterminée à braver l’autorité et à s’affirmer en milieu hostile.
La marque aussi des saltimbanques avaleurs de sabres et autres « freaks » exhibés comme phénomène de foire en Amérique au début des années 1830. D’ailleurs en la matière l’expo propose un documentaire sur grand écran pour le moins étonnant et plutôt dérangeant.
Et si le tatouage émerge en tant que forme d’expression artistique, c’est grâce à la circulation des pratiques entre tatoueurs d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord soucieux d’innovations techniques et artistiques. Tatoueurs américains et japonais voyagent alors d’une rive à l’autre du Pacifique pour échanger leurs secrets. Au fil du XXème siècle, le dialogue international entre activistes s’intensifie, les tatoueurs se réunissent en clubs, le tatouage rejoint l’histoire de l’art en occident. De nouvelles écoles ne cessent d’émerger exprimant une volonté farouche de renouveler le tatouage et ses codes pour en proposer une nouvelle esthétique.
Tatouage punitif et marginalisant, tatouage comme appartenance à un groupe, tatouage traditionnel venu de nouvelle-Zélande, des îles Samoa, de Polynésie, d’Indonésie, des Philippines ou de Thaïlande que s’approprient les occidentaux, histoire du tatouage en Europe, en Asie, en Amérique devenu aujourd’hui pratique courante dans la mode, le design et la publicité, Tatoueurs Tatoués présente ces évolutions au cours des siècles, de continent en continent de façon passionnante.
A l’ère de l’éphémère, la tatouage s’impose à vie. De plus en plus d’individus y ont recours ou s’y intéressent. Pour preuve cette exposition qui ne désemplit pas et qui s’achèvera le 18 octobre 2015. Vous avez encore le temps mais pour les aficionados, ne la ratez surtout pas.
Quelques images :
En vidéo :
En savoir plus :
Exposition Tatoueurs, Tatoués
Musée du quai Branly
37, quai Branly
75007 Paris
Tél : 01 56 61 70 00
Mardi, mercredi et dimanche
de 11h à 19h
Jeudi, vendredi et samedi
de 11h à 21h
Du 6 mai 2014 au 18 octobre 2015
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