Un peu de Psychose, un soupçon de Misery, un brin de Shining lorsque Tom se retrouve dans le labyrinthe coupant d’un champ de maïs, Xavier Dolan propose pourtant un cinéma novateur. Un cinéma captivant, angoissant et savamment paradoxal. Étouffant dans de grands espaces, tragique dans le sujet rendu parfois comique par la façon de le traiter, mêlant distance glaciale et promiscuité suffocante, brutalité et douceur. Paradoxe sans doute que lui même a du gérer. Celui auquel doivent faire face beaucoup d’homosexuels avant de sortir du placard : se haïr et « apprendre à mentir avant d’apprendre à aimer ».
Et c’est bien là tout le sujet du film : l’acceptation de l’autre mais surtout l’acceptation de soi. Ouvertement homosexuel, Tom se voit sous le joug de la force contraint de cacher, le jour des funérailles, à la mère de feu son petit-ami, la liaison amoureuse qu’il entretenait avec ce dernier. Entrave d’autant plus douloureuse qu’elle lui est imposée par Francis (frère du défunt) cultivant une ressemblance gestuelle troublante avec son cadet décédé. Parachuté en milieu rural hostile assez peu ouvert, le citadin va se retrouver littéralement happé par ce frère envahissant, tantôt terroriste et homophobe ras-les-pâquerettes tantôt séducteur voire émouvant. Ambiguïté entre désir et répulsion fortement cultivée par le réalisateur qui dans le rôle de Tom, au look à mi chemin entre Kurt Cobain et Courtney Love, va petit à petit se complaire dans ce jeu sado-maso jusqu’à lui même en devenir un moment l’instigateur.
Au-delà du personnage de Francis à l’origine du malaise latent planant autour du film, c’est finalement la mère (jouée par une Lise Roy extraordinaire) la vraie menace. Castratrice, flippante, dans le déni le plus total, elle semble avoir fait de ses fils les victimes collatérales d’un comportement maternel pathologique.
Huis clos oppressant réussi dans lequel Dolan excelle autant comme metteur en scène que comme acteur, Tom à la ferme parle surtout et encore une fois de tolérance.
« Je voudrais que l’on se penche un peu non pas sur les droits et l’utilité des marginaux mais sur les droits et l’utilité de ceux qui se targuent d’être normaux ». Cette maxime issue de Laurence Anyways qui m’avait interpellée en disait déjà long sur le sujet car qui peut définir le concept de normalité? Il nous est à tous arrivé un jour de nous demander si les émotions et pensées qui nous animent relèvent de la norme; sentiment d’autant plus inconfortable qu’il induit la peur d’être catalogué comme « fou ». Or plutôt que de penser normalité, il serait peut-être plus juste de parler de souffrances et d’essayer d’y répondre. Certains s’y attellent jusqu’à comprendre que la différence crée la richesse, d’autres préfèrent refouler par peur, souvent contraint par une éducation psychorigide. Tom de par son environnement sans doute a accepté là où Francis s’est enfermé dans la violence.
Laurence Anyways m’avait déjà scotchée, Tom à la Ferme ne fait que confirmer que le cinéma Dolan me touche vraiment.
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