Un peu comme les célèbres graffitis qui ornent les restes du mur de Berlin, « Rosa Parks fait le mur »…mais à Paris et dans le 19ème. Parce que faire jaillir la créativité dans des espaces publics abandonnés, transformer « dégradé » en « convivialité », développer la vie sociale dans des quartiers populaires isolés en y impliquant les habitants est le leitmotiv du collectif GFR à l’origine du projet. Et quel meilleur moyen que l’art de rue? Celui de la liberté. Pas de ligne de conduite si ce n’est celle de la rue, le mur mêlant les techniques les plus variées. Celui aussi de la solidarité où créations d’artistes et dessins amateurs y trouvent leur place de manière égale. Rencontre avec Martial Buisson, fondateur de GFR.
Luzy : Parlez-nous de vos projets mêlant pratique artistique et dialogue citoyen.
Martial Buisson : GFR est un point de rencontre entre des artistes que nous invitons, un territoire sur lequel nous opérons et une problématique sur laquelle nous souhaitons travailler toujours au plus proche des habitants. Nous étions déjà intervenus à la Goutte d’Or avec le projet Cocoon de l’artiste Kate Browne. Nous avons également lancé Façades avec l’artiste Katjastroph (qui participe aussi à Rosa Parks fait le Mur) rue Dejean à Château Rouge.
Luzy : Vos projets visent à essayer d’instaurer un vrai dialogue social entre des populations divisées dans des zones géographiques dites sensibles et à faire participer les habitants pour qu’ils se sentent acteurs de leur territoire, s’engagent en tant que citoyens dans la vie de la « cité », en quoi les pouvoirs publics vous soutiennent-ils dans votre démarche?
Martial Buisson : Il a toujours été important pour nous d’impliquer les structures institutionnelles. Sur un projet comme Rosa Parks fait le mur par exemple, nous avons répondu à une invitation de la Mairie du 19eme. De manière générale, on soumet nos projets à différents services publics avec qui nous dialoguons. Ainsi, nous obtenons des financements culturels mais pas seulement : il arrive aussi fréquemment que ce soit l’aspect de dialogue social qui soit subventionné dans nos actions. On complète ensuite cet apport important avec des fondations privées.
Luzy : Sentez-vous sur les territoires que vous couvrez et à travers les projets que vous conduisez une réelle volonté de la part des habitants de s’impliquer dans la vie publique?
Martial Buisson : Les projets participatifs sont toujours complexes à mettre en œuvre. Parce qu’il faut toucher le public, l’informer, et le convaincre d’y participer. Or cela lui demande aussi un changement dans ses habitudes, un vrai investissement. C’est tout l’intérêt de mettre en place des projets longs afin d’obtenir de plus en plus de public – notamment par le bouche à oreille (primordial dans ces quartiers) – avec un résultat toujours satisfaisant car au final nous avons souvent le plaisir de constater qu’un nombre important de personnes y jouent un rôle. Sur Cocoon par exemple, nous avons été impressionnés de voir qu’environ 400 habitants du 18e avaient participé au projet de près ou de loin. Politiquement, on constate aussi une vraie volonté de la part des habitants d’être pris en compte et de jouer un rôle dans la vie de leur quartier. C’est-à-dire d’être à nouveau considérés comme de vrais acteurs de la vie citoyenne. C’est le sens de nos projets.
Luzy : De plus en plus de personnes reprochent aux pouvoirs publics de les ignorer. Certains qui habitent des territoires enclavées se sentent isolés, ghéttoisés, stigmatisés, comment tentez-vous auprès de ces populations de restaurer un dialogue avec les représentants politiques pourtant garants de la cohésion sociale?
Martial Buisson : On fait très attention à toujours inviter les politiques dans nos ateliers. On favorise la rencontre, l’échange autour de sujets abordés par les œuvres. On essaye de créer des passerelles, et la sphère politique a toujours répondu présent jusqu’à maintenant.
Luzy : Revenons à votre projet Rosa Parks fait le mur, comment est-il né?
Martial Buisson : L’idée de Rosa Parks fait le mur a commencé à germer au sein de notre collectif après les attentats de Charlie Hebdo. Nous avons répondu à une invitation de la Mairie du 19eme, dans le cadre du budget participatif, pour accompagner l’inauguration de la Gare Rosa Parks* (RER E) en invitant des artistes à créer des œuvres participatives autour des valeurs que cette militante emblématique véhicule, soit le vivre-ensemble, l’engagement citoyen, le pouvoir d’agir et la question des droits des femmes dans l’espace public.
Luzy : Pensez-vous que créer du lien social passe indéniablement par la rue et son appropriation au moyen de l’art?
Martial Buisson : Ce n’est pas l’unique moyen mais c’est un très bon vecteur, et c’est pourquoi nous menons chez GFR tous nos projets dans l’espace public depuis la création du collectif. La rue est pour nous à la fois un espace de création et de dialogue. La culture urbaine de manière générale est aujourd’hui source d’inspiration pour des jeunes qui ne se sentent plus vraiment à leur place dans la société.
Luzy : Quels artistes du street-art ont participé au projet ?
Martial Buisson : Nous avons invité 5 street artistes internationaux dont quatre femmes, ce qui est rare dans le milieu. Katjastroph, Bastardilla, Tatyana Fazlalizade, Kashink et Zepha ont accepté de réaliser cette immense fresque (la plus grande de Paris actuellement) en lien direct avec les habitants, qui sont à la fois intervenus dans le processus créatif mais également dans la création artistique elle-même. En partenariat avec Rstyle, nous avons également développé une Galerie à Ciel Ouvert, où interviennent des figures nationales du graffiti, comme JonOne ou Combo.
Luzy : Un bilan aujourd’hui?
Martial Buisson : Il est un peu tôt pour un bilan, le Mur Forum Rosa Parks sera inauguré le 19 décembre. Je vous invite à venir le découvrir très nombreux, et j’espère que dans les mois à venir ce nouvel espace de création et de dialogue citoyen aura rencontré son public et ses objectifs.
*Qui était Rosa Parks? Le 1er décembre 1955, Rosa Parks, couturière de 42 ans, refuse de laisser sa place à un homme blanc dans le bus alors que la loi l’y oblige. Un simple refus qui lui vaut une arrestation et une amende. Mais ce geste de protestation marque aussi le début du Mouvement pour les droits civiques qui organise alors un boycott des bus de Montgomery en soutien à cette femme passionnée véhiculant un message contestataire par la non-violence et la désobéissance civile. Aux côtés de Martin Luther King Jr, Rosa Parks devient l’icône de la lutte contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis, abolie le 2 juillet 1964.
© GFR, Véronique Drougard
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Twitter : @RosaParksMur
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