Toucher le fond de la piscine et rêver. Repenser plutôt. A une mère belle et gracieuse lavant son linge en communauté au bord d’une rivière. Premiers clichés d’une enfance heureuse bercée par les chants de femmes laborieuses mais surtout joyeuses. Image idéalisée sans doute, réconfortante aussi qui permet de s’accrocher à la vie. Ouvrir grand les yeux dans l’eau chlorée pour un piquant retour à la réalité…50 ans plus tard. Salvador, rongé par différents maux physiques et psychologiques, se noie dans l’ennui – addict « al caballo » (comprendre héroïne) – et décline lentement mais sûrement.
Qu’a t-il fait de sa vie? Mondialement connu en tant que cinéaste, il est devenu douleur et souffrance traînant sa carcasse du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit.
Loin d’être la complainte nombriliste d’un réalisateur vieillissant, Douleur et gloire se pare d’une tendre nostalgie auquel chaque sensibilité pourrait se frotter. Une réflexion douce-amère autour des chemins que l’on sillonne, qui nous construisent. Des opportunités ratées que les succès n’adoucissent plus. Le corps lâche quand l’âme sombre. Quand les jours défilent, interminables laissant le goût amer d’une vie qui nous a un peu échappé. Vivre suppose des choix qui peuvent être au final mal assumés. Une autre voie aurait-elle été meilleure? Nul ne le sait mais beaucoup la regrettent.
Almodovar livre ici une oeuvre remarquable, poétique à souhait, esthétiquement belle et surtout terriblement authentique (peu importe au final qu’elle parle ou non de lui) dans laquelle Antonio Banderas se réinvente avec grâce. Un prix d’interprétation à Cannes bien loin d’être volé.
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